Salut ô fidèle lecteur (vous avez remarqué la stratégie du "ô " subtilement déplacé en deuxième position pour éviter tout problème de majuscule ? Pas bête, la bête !).
Aujourd'hui j'ai envie de te raconter un peu mon passé médical. Oui juste comme ça, parce que parfois ça me travaille, et puis parce que je crois ne jamais l'avoir abordé. Et au pire si je l'ai déjà fait, la plupart d'entre vous l'auront sûrement déjà oublié, ou même jamais lu. (Ouep, des personnes m'ont avoué qu'elles ne lisaient pas mes articles en entiers car ils étaient "trop longs et qu'on a pas le temps"... Je m'en fiche, je continuerai ! C'est mon espace d'expression alors si j'ai envie d'écrire, j'écris et puis c'est tout !)
Pour resituer un peu les choses, on m'a diagnostiqué un syndrome d'Ehlers-Danlos hypermobile. (Ça je l'ai dit dès le deuxième billet de ce blog) Mais je n'ai jamais vraiment expliqué de quoi ça retournait, ni comment j'en étais arrivée là.
J'ai eu mon premier plâtre au CE2. (T'as vu maitresse ? Hein t'as vu ? J'ai un plâtre !... Bon j'avoue que ça sonnait beaucoup moins bien que le jour où j'ai dit à ma maitresse de maternelle : "Mon papa il m'a donné un coup de hache." Ce qui était également vrai, totalement accidentel certes, mais vrai.)
Le plâtre n'avait rien de vraiment significatif puisque judokate confirmée (au moins ceinture jaune les gars), durant une compétition et lors du premier combat, je m'étais malencontreusement bloqué les orteils entre deux tatamis (les tapis quoi), puis en immobilisant mon partenaire, et tout en pivotant, j'avais joyeusement fait craquer ces derniers. (En clair, je me suis cassée le quartus et le quintus (c'est le nom qu'on donne au petit orteil et à son voisin direct... Oui moi non plus je ne le savais pas avant de me mettre à écrire, mais j'essaye de me cultiver, alors je partage...)) Puisque vous mourrez d'envie de le savoir, j'ai poursuivi les combats sans rien dire à personne et en ne reposant mon pied que sur le talon (encore une fois petite astuce pour ceux qui seraient confrontés à une telle situation). J'ai terminé première (assez rare pour le souligner) et au moment de la remise de la médaille j'ai pleuré. (Pas pour la médaille mais pour la douleur... Mes parents voulaient m'emmener à l'hôpital, une personne du staff a dit "Mais non c'est rien, on va mettre du froid"... Résultat ? Le lendemain impossible de poser le pied (qui avait par ailleurs muté en schtroumpf) parterre. Voilà, voilà !
Bref, c'était mon premier gros bobo articulaire.
J'ai ensuite enchainé sur des entorses diverses et variées : les doigts, les orteils (le retour), les cervicales. Mais à chaque fois une explication pouvait être donnée : ballons arrivés brutalement sur la main, copain abruti qui te lâche pendant un poirier. (Pendant un poirier hein pas depuis... Ça change tout le sens...) A côté de ça, j'étais plutôt de nature fatigable, (fatigante aussi mais ce n'est pas le sujet) cernée. J'avais souvent mal au ventre avec un transit qui ne marchait pas super. Dans mes intestins ça devait ressembler à peu près à ça :
Mais si mes parents pouvaient le constater et me croyaient, les médecins soutenaient qu'il était impossible de ne pas aller aux toilettes durant 3 semaines ou un mois...
J'avais souvent mal aux jambes. On me disait que je grandissais. (Cela dit, j'étais en pleine croissance donc...)
J'avais une peau très réactive, je faisais beaucoup d'eczéma. (Cela dit, ça arrive à beaucoup d'enfant, donc...)
J'étais assez souvent malade. (Cela dit, je fréquentais du monde, il faut bien se faire son immunité, donc...)
Et puis à 12 ans, ça a commencé à vraiment partir en cacahuète. J'ai choppé un truc identifié comme étant une mononucléose dans un premier temps. Et puis finalement, sur un nouveau test, la maladie des amoureux est revenue négative.
Les médecins se sont contentés de me dire que ça devait être une maladie cousine. (Ce doit être, Odette la cousine éloignée ! Mais siiii tu sais, la fille de la grande tante Germaine par alliance du fils de François... Tu ne vois pas ? Non, je ne voyais vraiment pas...)
C'est là, que j'ai commencé à me dire que la médecine n'avait pas réponse à tout, loin de là.
J'avais de grosses douleurs au cou. Mais après une entorse cervicale à 10 ans, était-ce vraiment anormal ? J'étais donc une adepte forcée de la kinésithérapie, de la mésothérapie, et tous ces trucs en "ie" un peu tendance.
On m'enfonçait joyeusement de micros-aiguilles dans le corps tout en me promettant que c'était pour mon bien.
On me donnait des relaxants articulaires qui n'ont jamais eu aucun effet sur moi, en me promettant que c'était pour mon bien.
Et dès qu'on réglait un problème, un autre apparaissait. Quand ce n'était pas le cou, c'était le dos. Quand ce n'était pas le dos, c'était la jambe...Alors je reprenais la kiné, le pistolet de mésothérapie alternait sur différentes parties de mon corps, on essayait d'augmenter les doses de médicaments que je ne supportais pas ou qui ne me faisaient aucun effet.
Et à côté de ça le côté digestif s'amplifiait. J'avais souvent mal au ventre. Mais j'étais une fille, en pleine adolescence, la puberté, alors...
Petit à petit je n'ai plus pu manger certains aliments, ils me torturaient les intestins. Adieu épices, légumes verts, champignons, poivrons...
On m'a dit que c'était le stress, que j'étais en pleine adolescence alors...
A 15 ans, aux alentours du mois de mars, je me suis fait une troisième cassure au niveau du quartus et du quintus (vous avez retenu ?), après qu'une tour de CD ( l'ancêtre du MP3 pour les plus jeunes d'entre vous) me sois tombée sur le pied. (Veridique). On m'a plâtré. Puis on m'a déplâtré au bout de trois semaines. J'ai dit que j'avais encore mal. La radio a montré que ce n'était pas consolidé complètement. On m'a replâtré pour deux semaines. Au bout de ces cinq semaines, on m'a tout enlevé et on m'a dit que je pouvais marcher. J'avais encore mal mais on m'a dit de ne plus utiliser les béquilles. Le lendemain, je me suis tordue la cheville : double entorse et tendinite du tendon d'Achille. (Oh bonjour les béquilles, ça faisait longtemps !)
Et puis une fin d'après-midi de mai (ou juin je ne sais plus trop) , en rentrant du collège, j'ai eu très mal à l'épaule gauche. (Je suis gauchère, c'est ballot)
A l'époque je faisais du piano. (Ce n'est pas une information capitale, mais bon vous n'êtes plus à ça près si ? ) Et puis ça faisait quelques jours que je n'en n'avais pas joué. Ma môman m'avait dit "Tu feras ton piano, sinon on arrête les cours, on ne va pas payer pour rien" (Et elle avait bien raison !).
Je suis rentrée, j'ai dit que j'avais mal à l'épaule, mais j'ai fait mon piano. (C'était pas une excuse bidon, j'avais vraiment mal hein).
Le soir, j'ai trouvé que mon bras avait une drôle de forme. Je suis allée vers mes parents pour leur montrer. La réaction a été (à peu près) la suivante :
Ma môman a voulu m'emmener aux urgences. Vu mon passé du mois de mars avec le service, j'ai décliné calmement la proposition. (Naaaan pitié pas eux !!! Steupléééééé, je ferais ce que tu veux mais on n' y va paaaaaaas !)
Finalement, on a décidé d'un commun accord de bloquer mon bras stratégiquement dans un grand foulard et d'attendre le lendemain pour voir un spécialiste.
J'étais alors suivie par un médecin du sport. Cette dernière m'a reçue rapidement. Elle a prononcé le mot "luxation" pour la première fois.
En gros, une luxation c'est un peu comme un coloriage d'enfant. Tout ce qui devrait être à l'intérieur, dépasse les lignes pour aller faire un coucou joyeux au monde extérieur.
Elle l'a réduite et a pu constater que mon épaule se délogeait aussi tôt. Elle m'a adressé à un confrère chirurgien. Ce dernier devait m'opérer pour poser une butée (un bloc osseux dont le travail est d'empêcher la tête de l'humérus de dépasser ses limites. Ouais, je sais, ça fait rêver.) Mais finalement, quelques jours avant l'opération il a renoncé et m'a adressé à l'un de ses confrères. (On était à ça les gars, à ça...)
Bon à partir de là, ça a été compliqué. J'ai passé des examens, j'ai vu des médecins, ils ont joué avec mon épaule en la prenant pour un bilboquet, j'ai été étudié sous toutes les coutures, utilisée comme un petit cobaye par de grands pontes "Alors ça les internes vous voyez c'est une luxation irréductible, c'est rare. Vous pouvez réduire, et hop elle ressort. Allez-y..."
J'ai vu le cador des cador. Il m'a demandé de sortir de la salle et a dit à mes parents que c'était psychologique. Que je me luxais l'épaule pour qu'on s'occupe de moi. (Je vous conseille de tenter c'est fendard...)
J'ai pleuré beaucoup. Et mes parents m'ont soutenu.
Je saturais.
Et je ne sais plus comment je me suis retrouvée entre les mains d' un nouveau chirurgien. Il a décidé d'opérer. Malheureusement ça n'a pas marché longtemps et mon épaule a décidé d'aller revisiter du pays. C'est ce chirurgien qui a prononcé pour la première fois les mots "Ehlers-Danlos" et m'a conseillé d'aller voir un spécialiste de la cette maladie. J'avais toujours une épaule inutilisable, celle de mon bras dominant qui plus est.
On en a parlé à mon médecin habituel. Il a dit qu'il n'y croyait pas, que c'était psychologique. Et puis il m'a dit :"Et puis qu'est-ce que ça peut faire de savoir si c'est ça ou autre chose ?"
Tout. Ça peut absolument tout changer.
En parallèle, je continuais à me dégrader au niveau digestif. Je vomissais de plus en plus souvent. J'avais des périodes où je ne pouvais rien avaler.
On m'a demandé si je n'étais pas anorexique...
Et puis je me suis bloquée du dos. Pendant 6 mois. J'avais des discopathies, des hernies. Mais pour eux rien ne justifiait ce blocage. Impossible de me laver seule, impossible de marcher, de rester assise ou couchée trop longtemps. J'ai été déscolarisée, j'ai vécu dans un transat, transportée de kinés en médecins divers. J'ai été prise de haut par des rhumatologues. Bourrée d'anti-douleurs que je ne supportais pas et qui étaient inefficaces.
Mes parents et mon copain m'ont soutenu, encore.
Nous avons trouvé la solution dans une énième technique de médecine parallèle. (Autant vous dire que les médecins officiels, ça ne leur a pas plu des masses...)
J'ai ensuite connu des douleurs insoutenables au niveau des côtes. La sensation de ne plus pouvoir respirer. Des hospitalisations en urgence. Des médecins qui ne me croyaient toujours pas. J'avais 16 ans, c'était forcément du stress.
Mes parents et mon copain m'ont soutenu, toujours.
Je souffrais de partout et le corps médical niait cette douleur. Alors j'ai décidé de céder et d'aller voir un psychiatre conseillé par mon médecin traitant (qui ne me croyait pas non plus).
L'entretien s'est très bien déroulé, il a convoqué mes parents pour leur dire que j'étais saine. J'avais enfin la preuve que tout ça n'était pas psy.
Je me suis rendue chez mon médecin généraliste, fière : je n'étais pas folle ! (Enfin, pas comme eux l'entendait quoi !)
Et il m'a dit "Tu sais Clochette, on ne comprend pas pourquoi tu fais tout ça. Tu es bonne élève, tu as une famille qui t'aime, un copain. Ton père serait alcoolique et ta mère péripatéticienne on comprendrait mais là..."
Je suis sortie dévastée.
Nous avons pris le taureau par les cornes et nous nous sommes rendu chez ce fameux spécialiste "Ehlers-danlos". Contre tous les avis de mes médecins habituels.
Des années plus tard, j'ai su que le psychiatre sur demande de mon médecin généraliste avait falsifié son compte rendu. Il a dit exactement l'inverse du discours tenu à mes parents. Ce n'est pas beau de mentir !
Mes parents, pour me préserver me l'avait caché. Et je pense que si je l'avais su j'aurais jeté les armes. (Ou alors je serais en prison pour meurtre ou vandalisme, ou les deux... Je rappelle que mon père se défendait à coup de hache donc je dois pouvoir faire pareil... Oui je sais, c'était un accident...)
La rencontre Parisienne a tout changé. Je savais enfin de quoi provenait tous mes maux. La fatigue, la constipation chronique, les douleurs, les luxations, les subluxations, les migraines... Tout prenait sens. Enfin on me croyait. Je n'étais pas juste "celle qui voulait attirer l'attention". Je n'étais pas "folle".
Très vite je me suis aperçue que malgré tout il n'existait pas de véritables solutions. Je ne supportais toujours aucune médication, et les aides autres ne me convenaient pas. Le diagnostic ne changeait pas tout. Loin de là. Les gens restaient toujours aussi dur, j'étais encore "la malade imaginaire" pour beaucoup. Et puis ce n'était pas si grave puisque " ça ne fait pas mourir". (Oh ben alors si on meurt pas, ça va hein ! De quoi tu te plains ? )
Souvent, quand une nouveauté se déclarait on me disait "C'est le SED et puis c'est tout". Sans plus de recherche, sans plus de solution.
J'ai découvert les infections urinaires à répétitions, les pyélonéphrites, les hanches à ressauts, les fractures de cartilage, les douleurs diverses mais souvent inexpliquées. On a continué à me donner de faux diagnostics. Mal de ventre ? Sûrement de la colopathie, au revoir mademoiselle. (Il n'est pas utile de vous rappeler dans quelle situation je me trouve aujourd'hui n'est-ce pas ? Ah au fait peut être que je devrais arrêter le gluten et lire le "charme discret de l'intestin"... On ne sait jamais.)
On a continué les anesthésies locales sur un corps qui s'en fiche complètement, opérée à vif au 21e siècle. (Même pas de bâton entre les dents, ni de gnôle. Juste les yeux pour pleurer...)
On a continué les anesthésies locales sur un corps qui s'en fiche complètement, opérée à vif au 21e siècle. (Même pas de bâton entre les dents, ni de gnôle. Juste les yeux pour pleurer...)
Au fil des années, les choses se sont amplifiées mais ma confiance dans le corps médical s'est de plus en plus altérée.
Aujourd'hui il m'arrive encore de douter : Et si ce n'était pas le SED ?
Nous n'avons qu'un examen clinique pour la forme hypermobile, c'est à dire qu'aucun gène n'est identifié, donc aucune preuve par prise de sang. Il suffit que quelque chose de nouveau se déclare, qu'un médecin émette un doute, qu'une parole d'un parfait inconnu me heurte pour que tout soit remis en question. Et si on s'était trompé depuis le début ? Si je ne souffrais pas de ça ?
Ce besoin constant de se justifier, de prouver. Ce besoin constant de retracer l'histoire pour être écoutée ou entendue.
Souvent je me dis que j'ai hâte que la recherche avance pour pouvoir avoir une trace écrite de cette maladie. Parce que ça ne viendrait à l'idée de personne de remettre en doute le diagnostic de cancer à quelqu'un, et pourtant sur ce type de maladies encore mal connues, c'est chose régulière. Et même par le patient lui-même.
Et en même temps, j'ai peur. Peur qu'on me dise que finalement ce n'est pas ça. De retomber dans l'errance médicale. Parce que je sais que mon corps n'est pas "normal", qu'il n'est en tous cas pas "sain", mais qu'est-ce qui prouve réellement qu'on est sur la bonne piste après tout ?
Pourtant j'ai eu confirmation de ce diagnostic par une généticienne de ma ville actuelle et par les résultats d'une chirurgie du cartilage.
Le problème dans cette maladie c'est qu'elle est parfois sur-évaluée. Des gens sont diagnostiqués à outrance, simplement pour des histoires de reconnaissances et de guerre d'égos. Certaines personnes lisent les signes communs de la maladie sur le net et recrachent l'histoire au monde médical.
Nous sommes décrédibilisés régulièrement par des affabulateurs. Nous sommes décrédibilisés par des médecins qui ne s'arrêtent qu'à l'hyperlaxité comme signe ultime du SED. Alors que tout est bien plus complexe. Nous sommes décrédibilisés par des médecins qui pensent connaitre les syndromes d'Ehlers-danlos tout en soutenant que c'est "un problème d'os. Alors forcément, je doute, souvent.
Ha oui et comme son nom ne l'indique pas, non je n'ai pas d'air dans les os...Enfin du moins je ne crois pas... Même si mes os décident régulièrement de prendre l'air.
beau témoignage de ce que les malades vivent ... Tu es une belle personne, une warrior ...
RépondreSupprimerWarrior je ne suis pas certaine, mais merci <3
SupprimerL'abandon des hommes.
RépondreSupprimerL'homme cherche une cause à tout. Si il n'y a pas de cause, il n'y a pas de problème.
Transposé sur les médecins, si il n'y a pas de cause identifiable, c'est une cause psychologique. C'est facile, parce qu'une cause psychologique par définition ne se voit pas.
ça me rend triste, et ça fait écho à mon parcours, qui n'est pas du tout le même au niveau des symptômes, mais qui comprend beaucoup de similitudes.
J'en venais à me demander moi aussi si j'étais folle. Certains sont tellement sûrs d'eux qu'on ne comprend même plus nous-mêmes ce qu'il se passe dans notre corps.
Ton article est comme toujours très bien écrit. Je le ferai tourner auprès d'Odette, la cousine éloignée :D