3h45 : Insomnie bonjour !
Comme ça fait un moment que je me tourne et retourne dans ce petit espace appelé "lit", j'ai décidé de dire merde à Morphée et de lui faire l'affront de partir ! Avant de me réveiller vers 2h !(Alors oui je vous vois venir : ouais mais 2 heures si tu t'es couchée à 20h, ça va ! Sauf que je me suis couchée à 23h... Du coup ça fait pô beaucoup pour mes petits yeux fatigués...), j'ai fait des rêves/cauchemars. Vous savez ces songes où vous n'êtes pas plongé dans un film d'horreur, où vous n'avez pas de monstres à combattre, pas de violeurs, tueurs fous auxquels échappés, mais juste une sensation de malaise, une sensation de mal-être même ! Alors pas besoin de me lancer dans explications folles d'analyse du rêve pour lequel je me demanderais ce que signifiait ce champ vide à perte de vue (l'incertitude professionnelle ? La peur d'être seule dans mes nouvelles fonctions ?) Naaaaaaan rien de tout ça ! Pour une fois j'ai l'explication de ce qui me turlupine. Et comme il est tard (ou tôt) et que je sais que vous adorez me visualiser en père castor, je vais vous raconter une histoire !
Hier, bien installée derrière mon bureau, faisant face à mon écran et cernées par de multiples feuilles volantes (mais importantes !), j'essayais péniblement de terminer une tâche ingrate (mais importante !) : la réservation des séjours été ! Le principe est somme toute assez simple : j'ai des groupes de vacanciers composés de personnes en situation de handicap et d'accompagnateurs. (Oui alors pour qu'on s'entende bien sur groupe, on évite le côté sortie de foyer à 15 en fauteuil ! Du coup ce sont de petits groupes, des groupinets, des noyaux de 4 à 6 personnes : une famille quoi !)
Grosso modo : 80 vacanciers au départ (ouep, ça en fait du groupe !), une bonne trentaine de destinations à trouver et le tout parfaitement accessible. Alors accessible en fauteuil (c'est une base pour notre public) mais également avec la possibilité de livrer des lits médicalisés, des lève-personnes, loger du matériel de type chaise-douche (non non on ne peut pas prendre le tabouret de la cuisine pour le mettre dans la salle de bain ! Je vous vois venir petits filous !), chaise-pot et autres joyeusetés. (C'est marrant au départ, mais en fin de journée on a juste envie de se réserver une villa Belambra pension complète au bord de la mer avec piscine et courir (ou rouler, c'est selon !) très loin !
Bref. J'en étais à mon avant dernière réservation, quand est arrivé l'élément perturbateur de ma nuit. (Oui, oui j'en suis toujours là.) J'appelle un lieu de séjour envisageable car j'avais déjà réservé pour un groupe de 4 pour la deuxième quinzaine. (Pardon ? Comment ça : c'est quoi la deuxième quinzaine ? Ben celle d'août voyons ! Vous savez la plus compliquée et la plus chère à avoir au monde avec la première quinzaine d'août ! Oh ben c'est marrant ça, parce que ce sont les deux quinzaines que l'on doit réserver !) C'est donc naturellement (et afin d'économiser mon peu de forces restantes et de "sourires" dans la voix lors de mes appels) que j'envoie un mail (c'est une autre technique de préservation. Attention, à ne faire qu'après avoir établi un premier contact téléphonique... Pour ferrer le poisson, voyez ? En jetant trop vite les infos de manière triste sur un écran, les gens n'entendent pas ce petit ton de supplication et les larmes coincées dans la gorge : "sioupléééé dites-moi qu'il reste de la plaaaaaaace". C'est une réalité, on entend moins le ton dans un mail, rendons-nous à l'évidence.
Ce lieu proposait une prestation parfaite avec pleiiiiiin de logements accessibles et même du choix : les piverts ou les chocolatines ? (Dans un soucis d’anonymisation (c'est pô facile comme mot) parfaite, j'ai bien entendu changé les noms des résidences proposées, en revanche j'ai gardé le ridicule de ces derniers.) C'est donc confiante que j'ai formulé ma demande : une réservation pour 6 personnes sur la période Q.1 (Non je dirais pas ce que c'est ! Il faut faire travailler vos méninges, c'est pour votre bien que je fais ça ! On s'encroûte après les fêtes, le cerveau est en hyperglycémie, il refuse de bosser, alors hop au boulot ! Non mais.)
Quelques minutes après l'envoi du mail, le téléphone pleure sonne. (En vrai vu la sonnerie, c'est moi qui ai envie de verser quelques larmes à chaque fois qu'il me "strie" (j'ai cherché désespérément le terme, mais ça ne vient pas, il est 4 heures vous allez me l'accorder j'en suis sûre ! Strier, de strident... Voilà, voilà.) dans les oreilles.
- Action associative Clochette, bonjour ! (Entrée en scène du personnage 1)
- Oui bonjour, est-ce que je peux parler à Clochette s'il vous plait ? (Entrée du personnage stupide 2)
- Euh, ben oui... C'est moi. (Comme l'intitule : Clochette bonjour !)
- Ah oui ! Alors voilà je vous appelle car comme je disais à ma collègue hein ça sera plus simple hihi (alors oui il y a bien eu ce ricanement de "c'était la grosse marrade au café Jean-Louis ! On t'a pas raconté ??? Rooooh ben faut qu'on te raconte"...)
- Vous avez bien fait, c'est parfois plus simple. (Mais bon si j'avais pu éviter hein !)
- Alors voilà, du coup on annule Q.2 et ses 4 personnes pour remplacer par Q.1 et ses 6 personnes ?
- Ah non on garde les deux ! (Comme l'indique dans mon message la phrase suivante : "est-il possible d'ajouter une réservation supplémentaire"...L'ajout n'est pas un concept simple je sais.)
-Ah d'accord, oh ben j'ai bien fait d'appeler hein comme je le disais à ma copine. (On passe de collègue à copine. Vous étiez peut-être dans une journée fille : masque, thé et viennnnns on se fait les ongleeees ! Du coup je comprends l'appel, le téléphone ça risque moins de faire de traces sur le vernis encore coulant... Alors que taper un mail...) Mais par contre hum... Je suis un peu embêtée parce qu'un groupe de 6...
- Vous n'avez plus de place ?
- Ah si ! Enfin... L'été c'est... Hum... Comment dire...
- Oui ? (Allez vas-y, on ne te veut pas de mal, tu peux t'exprimer librement et sans crainte)
- Ben pour les dates, vous ne voulez pas venir hors saison ?
- Ah non on ne peut pas, elles sont fixes car basées sur les fermetures d'établissements. (Argument imparable ! Et vrai surtout !)
-Ah oui. Mais pour 6 c'est compliqué. On a bien les piverts de libre mais... Enfin... En fait vous comprenez l'été chez nous c'est familial.
- C'est à dire ?
- Ben les parents viennent avec leurs enfants (alors la définition de familial je maitrise à peu près (pas aussi bien que celle d'ajouter mais quand même, j'ai des notions)... Le "c'est à dire" s'adressait plutôt au sous-entendu inquiétant... Mais je comprends qu'il y ait pu avoir confusion).
-Oui, oui d'accord, mais en quoi est-ce un problème pour l'accueil de nos vacanciers ?
- Il y a beaucoup d'enfants et souvent votre public...Ce sont des séniors non ? (Hé non raté bichette, je vais t'apprendre un truc triste mais réel : tous les handicapés ne sont pas grabataires... Même que chez nous, ils y sont de naissance, c'est con hein la vie !)
- Non, non enfin tout dépend la limite que vous fixez à "senior" (je sais pas si pour le commun des mortels c'est 60 ans peut-être que pour un handicapé qui va faire peur aux enfants c'est 35 ?) mais pour ce groupe clairement non !
- Hum. Mais quand même... Un groupe de 6... Enfin, je vais voir avec ma direction mais bon...Avec les enfants et les parents...
Voilà.
Voilà ce qui m'a fait rêver/cauchemarder. La bêtise humaine. Parce qu'en vrai je ne pense pas qu'elle se faisait les ongles, c'est juste difficile de laisser une trace écrite de : "Désolée, nous ne pouvons accéder à votre demande. Nous avons les structures adaptées, la place disponible en revanche visuellement nous ne pouvons accepter trois "handicapés" en même temps dans notre petit environnement si familial. Vous imaginez s'ils bavent ? Ou pire gesticulent en criant ? Ils vont effrayer nos petites têtes blondes. Cordialement et meilleurs voeux. Bisouuuuus"
Ben ouais c'est compliqué de l'écrire. Mais c'est aussi très violent à entendre. Comment peut-on se permettre de réfléchir comme ça ? Comment peut-on trier le public reçu sous prétexte qu'il n'est pas dans la "norme" ?
Oui j'ai eu mal au coeur. Oui ça m'a remué les tripes. Oui j'ai eu un petit peu envie de pleurer (et pas qu'à cause de la sonnerie du téléphone). Alors j'ai raccroché (un peu con je dois l'admettre) et j'ai été le raconter à ma collègue (à la manière d'un évènement traumatisant qu'on doit exprimer pour soigner). Elle m'a dit que c'était déjà arrivé sur les séjours précédents de recevoir des appels des directions d'établissements pour dire que nos vacanciers criaient trop, gesticulaient trop...
Non ce n'est pas être mal élevé. C'est juste que quand la parole te fait défaut, ton corps s'exprime autrement. C'est juste que quand une partie de ton cerveau est touché, tu ne contrôles pas ton corps comme tu veux. Tu fais des gestes incontrôlés. Et donc ? On les enferme ? On protège la population de cette vue si "misérabiliste et réduite de l'être humain" ? (C'était de l'humour hein s'il est utile de le préciser... Bien sûr qu'il faut les enfermer !!! OOooh revenez ! On rigolait bien...)
Alors encore une fois je me rends compte que le chemin est long, que les pensées doivent encore évoluer...
Allez venez je nous fais une résa de groupe et on part dans un monde moins violent !
Allez venez je nous fais une résa de groupe et on part dans un monde moins violent !
Ah on me dit dans l'oreillette que vous êtes trop nombreux. Ah et vous là-bas trop petit... Vous là, trop en fauteuil, et vous vous avez un air louche... Bon ben... On partira pas en vacances et puis c'est tout ! (Pas besoin d'être riche pour bien voir toussa toussa...)
Fallait lui dire que c'est une "validiste" (elle aurait sans doute pas compris mais comme ça rime avec raciste, ça lui aurait fait un peu peur de se retrouver avec une association sur le dos ^^ )
RépondreSupprimerSur ce genre de choses je n'ai jamais de répartie directe... J'ai toujours les choses après coup malheureusement. Je n'avais pas de mots et du mal à comprendre où elle voulait en venir tellement ça me paraissait inconcevable, et j'espère toujours avoir mal compris :'( Une chose est sûre : nos usagers n'iront pas là bas !
Supprimer