Petite introduction rapide : si vous tombez sur cet
article par hasard sans avoir lu la première partie, vous risquez de ne pas y
comprendre grand-chose. (Au risque de vous décevoir je ne suis pas du sud de la
France, ne m’habille pas en jaune, et je numérote donc scrupuleusement mes
articles. Si je vous dis qu’on en est à l’acte 2, c’est qu’il y a un acte 1, je
ne vous piège pas.) Allez, vous êtes prêts pour la suite ?
Pour vous remettre dedans vous en étiez à la fièvre et
aux frissons qui faisaient leur apparition…(Chuuuuut ça recommence !)
Je me résigne donc à utiliser la sacro-sainte
sonnette. A peine le bouton relâché, ma porte s'ouvre (Haha, mais non, allez 20
minutes plus tard ?), et l'aide-soignant d'une perspicacité étonnante me dit
:
"Oh vous, ça n'a pas l'air d'aller ! Vous êtes un
peu pâlotte, vous voulez manger quelque chose ?" (Roooh la bonne idée que
voilà ! Pour ceux qui vont dire : « Ben quoi, tu aurais pu être en
hypoglycémie, ce n’était pas bête comme idée », je réponds : « C’est-à-dire
qu’avec un œsophage, un estomac et des intestins qui ne fonctionnent que comme bon
leur semble, manger c’est moins fastoche ! ») Mais je suis polie et
gentille (parfois) alors j’ai répondu ça : "Hum non merci, en
fait je ne me sens pas bien, j'ai des frissons".
S’il y a une chose qu'on ne peut pas leur reprocher
c'est que frissons+ nutrition, raisonne chez eux comme un signal d'alerte
! C’est le code rouge, celui qu’il ne faut pas laisser passer :
JAMAIS !
"Ok ne bougez pas ! Je reviens" (ça tombe
mal, parce que j'avais prévu d'aller me balader un peu dans l'hosto !)
Ni une ni deux, le voilà de retour avec tensiomètre
d'une main, et thermomètre dans l'autre. (Tout juste si il n'a pas lancé un
"OK. Dr Greene, vous me faites NFS, chimie, iono ! Scan du thorax, IRM de
la tête et écho pelvienne… et un café ! ... Seuls les vrais comprendront
!)
"Ah ben vous êtes à 130 de pouls, 38, 5 de
tempèt' (Si, si j'avais l'impression d'entendre ma maman quand j'avais 5 ans,
heureusement qu'ils n'ont pas les mêmes excès quand ils mettent des
suppositoires aux patients : Alors un, deux, trois le spoutnik est parti
!"). Effectivement c'est pas terrible tout ça ! (En plus il a un accent du
sud, il ne manquait plus que les cigales, et le Pinédou qui se boit glace !) Je
vais prévenir l'infirmière, je reviens, vous ne bougez pas hein ?" (Oh ben
ça tombe mal encore une fois parce que... Ok... Je me tais).
De là on arrête la nutrition, on pique les
hémocultures, on pose une voie périphérique. Vous êtes facile à piquer non ? Ah
bon ? Pourtant je sens vos veines... Bon je vais essayer un rose... Oh non ça a
gogné... Bon je recommence... Oh ben zut ça ne remonte pas ! Heureusement que
j'en ai prévu plusieurs ! Bon tant pis je vais vous poser un bleu sur le dessus
de la main ! Bref, la routine ! (Hé, comique de répétition !)
Bien entendu, je sentais que ma sortie au lendemain
était un peu compromise.
Dans la soirée, j'ai fait un malaise vagal. Le malaise
un peu fouine, où tu ne tombes pas vraiment dans les pommes (en tous cas pas
moi !) mais où tu sens que ton corps n'est plus vraiment le tien. J'avais
décidé d'aller au lieu d'aisance après avoir ressenti une grande nausée qui
n'annonçait rien de bon. C'est là accroché à mes toilettes que ma vue s'est
troublée, que je suis devenue translucide (Non là vraiment ce n'était plus du
blanc, même les lèvres n'étaient plus colorées), avec une température interne
qui devait avoisiner les 80°C (Au vue de la chaleur ressentie dans mes joues),
et que mes jambes ont décidées qu'elles ne me porteraient plus. A ce moment là
je ressemblais plus ou moins à ça : (en plus vivante bien entendu…Trop
osée ? Ha…)
J'ai donc
utilisé pour la seconde fois en quelques heures la sacro-sainte sonnette pour
appeler à l'aide.
Remise dans
mon lit, j'ai eu le droit à une visite expresse de l'interne de garde, qui
avait l'air vraiment ennuyé de devoir se déplacer pour ça. "Bon, il parait
que vous avez fait un petit malaise ? Je suis obligée de venir. (Ah bon ?
J’aurais pourtant juré que vous étiez là de votre plein gré et par courtoisie…
Comme quoi les apparences !) Ouvrez la bouche, tirez la langue, regardez
par là, par là. Ok. Vous sentez là ? Ok. Bon ben c'est un malaise vagal, c'est
rien." Et elle est partie.
Tant de
chaleur humaine ça vous réconforte ! La médecine avant tout c'est un métier
humain, de relation à l'autre, d'entraide, de… Comment ? Pas pour tout le monde
? Ben visiblement non effectivement !
Bref après
cet épisode mon corps était fatigué. De toute façon, il n' avait plus rien à
faire à part attendre les résultats le lendemain alors autant dormir, le temps
passerait plus vite.
Mercredi 28 septembre au mardi 4 octobre :
Les hémocultures ont poussé. On a su qu'il y avait non
pas une mais deux bactéries digestives plantées sur le cathéter, et que
"Oh bonheur" elles n'étaient pas faciles à traiter.
Début des antibiotiques… Changement des antibiotiques…
Réajustement des antibiotiques.
Le samedi, j'ai déménagé dans le service de
gastroentérologie car le service de nutrition était lui-même en pleine mutation
géographique. Il allait disparaitre définitivement de cet hôpital pour aller s'implanter
dans un autre. Heureusement, les infirmières d'un service sont les mêmes que
pour l'autre (sauf pour celles qui partaient en même temps dans l'autre
hôpital, vous suivez ?)
Petit aparté, l'autre jour une nouvelle lectrice du
blog, s'est questionnée à la suite de la découverte de mes articles sur les
relations soignants-patients. Il est vrai que j'ai fait le choix de raconter
mes aventures, et pour ne rien cacher c'est plus drôle quand il se passe
quelque chose. (Prenez le diner de cons, si finalement il avait annulé son
programme après s’être bloqué le dos, l’histoire aurait été sans doute bien
moins connue ! Bon et puis pour tout avouer, j’ai du mal avec le cinéma d’auteur,
les séquences fixes, longues… Chiantes quoi !) Du coup, on a peut-être
l'impression que tout le corps médical est mauvais (et c'est pas faux
!) En réalité, j'évoque rarement le personnel soignant qui a une
action positive sur les patients. Et pourtant il y en a. Les infirmières de ce
service (A l'exception d'une ou deux...Ou comment mettre la panade en ne citant
personne), en font partie. Elles prennent le temps de discuter, d'échanger un
bout de leur vie, de venir plaisanter ou même chanter (oui, oui !). Elles
prennent le temps d'écouter, de rassurer, de se plaindre avec nous des médecins
(oui, oui !). Bref elles rendent la vie moins difficile et il est important
aussi de le dire alors si jamais un jour l’une ou l’autre passe par-là MERCI !
Allez minute émotion terminée : On y retourne !
J'ai donc déménagé et j'ai eu l'immense chance de me
retrouver dans une chambre double, avec une mamie de 80 ans. (En règle générale
ça ne me pose pas de problème d'être sociable, sauf quand je suis un aimant ,et là…J’en étais un…)
J’entre dans la chambre avec tout mon barda et une
pointe d’émotion car je découvre que c’est celle que j’avais eu lors de ma
toute première hospitalisation (Nan, c’est pas vrai, c’est mes parents qui me l’ont
fait remarqué, moi et mon sens de l’orientation on avait oublié !)
Je lance un « Bonjour Madame », qui m’avait
pourtant semblé audible.
Pas de réponse.
Alors je me raisonne en me disant qu’elle est
peut-être sourde et un peu aveugle (Si quand même je ne suis pas si mince, on
voit encore quand j’entre dans une pièce !) Je m’avance jusqu’à mon
armoire et décide de m’installer tranquillement.
Une fois mes affaires déposées, j’essaye d’entamer la
discussion avec ma voisine. Le plus simple à l’hôpital étant de commencer par :
« ça fait longtemps que vous êtes ici ? »
(Trucs et astuces de l’hôpital :
le « ça fait longtemps que vous êtes ici » est une excellente
technique d’approche pour débuter une conversation. S’en suivra le «Ah oui
quand même… Et vous êtes là pour quoi, si ce n’est pas indiscret ? »,
doublé d’un inévitable « Hum… Pas cool… on n’est jamais là par plaisir de
toutes façons… » Ce trio fonctionne à tous les coups, quelle que soit la
réponse. Je vous sens septique. Bon je vous fais un exemple, mais ne vous
viendrez pas vous plaindre de la longueur de l’article hein ! Alors je
vais prendre deux exemples extrêmes comme ça, vous ne pourrez pas dire… :
Exemple 1 :
- - Bonjour… (Là
on vous répond ou non, mais ne baissez pas les bras !) Ça fait longtemps
que vous êtes ici ?
- -
Roh ben oui
déjà 3 mois !
- -
Ah oui quand
même. Et vous êtes là pour quoi, si ce n’est pas indiscret ?
- -
Cancer…
- -
Hum… Pas
cool… on n’est jamais là par plaisir de toutes façons…
Exemple 2 :
- -
Bonjour… (Là
on vous répond ou non, mais…) Ça fait longtemps que vous êtes ici ?
-
- Roh ben oui
déjà 3 jours !
- -
Ah oui quand
même. Et vous êtes là pour quoi, si ce n’est pas indiscret ?
-
- Coloscopie…
- -
Hum… Pas
cool… on n’est jamais là par plaisir de toutes façons…
CQFD… Ce qu’il fallait démontrer ! On peut
reprendre ?... Bon…)
Elle me répond donc qu’elle est là depuis 5 jours, qu’elle
est venue pour une coloscopie mais qu’il lui avait trouvé un polype et qu’avec
son sang trop liquide, puis de toute façon à son âge, elle vivait déjà en foyer
et qu’elle attendait une place en EHPAD, mais que bon c’était plein et qu’il
fallait attendre que quelqu’un meurt… (Oui alors j’ai bien dit que c’était
utile pour entamer la conversation, pas que la réponse allait vous intéresser !)
De là mes parents sont arrivés et j’ai eu le droit à
une permission. (Attention retour exigé à 16 heures sinon vous êtes considérée
comme déserteur !) J’ai donc laissé la vieille dame déblatérer seule. Je
me suis rendue compte de son capital sympathie lorsque ma maman lui a gentiment
demandé si elle pouvait utiliser la salle de bain (bon les toilettes quoi !)
parce qu’après quasiment 3 heures de route, en tant que fille qui se respecte…
ça devenait difficile ! Elle lui a répondu : « Ben oui vous
pouvez… Mais bon doit bien y en avoir dans le couloir quand même ! »
Voilà, voilà !
De retour de perm’, la voisine n’avait pas bougé d’un
iota. Elle était dans son lit, sans lecture, sans télé, sans jeux, sans visite…
Bref la journée avait dû être longue.
Lorsque les plateaux repas sont arrivés, elle a
commencé à râler. (Bon ok c’est pas de la grosse gastronomie, mais parfois on a
le droit à des délichoc’ alors bon !) Elle m’a demandé pourquoi je ne
mangeais pas. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas vraiment. Elle a donc
rétorqué « De toute façon les plateaux sont trop chargés, ça fait du
gâchis ! ». Tant de compassion…
Après le repas, elle m’a demandé pourquoi j’étais là.
(Il faut savoir que juste après mon arrivée j’étais en pleine perfusion. Elle m’avait
regardé en me lançant un « C’est pas facile ce qu’ils vous font ! »
Ne comprenant pas, je lui avais demandé de répéter. Ce sur quoi, elle m’avait
dit qu’avoir un cancer à mon âge ce n’était pas facile ! Dans un rire
étouffé, je lui ai répondu qu’il s’agissait d’un antibiotique et non d’une
chimiothérapie et que j’étais là pour une infection…Suite à cela, elle n’avait
pas creusé plus en profondeur.)
Je lui réponds que je suis là pour une infection sur
le cathéter (tout en lui montrant le responsable) et que je risquais une
septicémie. Et c’est dans un moment de grâce extrême qu’elle me sort : « Ah
oui moi j’ai fait une cystite une fois… Ben je ne le souhaite à personne ! »
Ah ben oui, septicémie (infection du sang), Cystite (infection urinaire), à ça
près on y est !
Je sentais alors que ma coloc’ ne serait pas la plus
sympathique que j’aurais connu mais que ce n’était pas grave. Sauf que je ne
savais pas qu’à partir de 20 heures, la veille dame allait se transformer en
tyran !
A 19h45, elle se plaint que ça fait une semaine qu’elle
ne suit plus les actualités. Gentiment je décide donc de tourner mon écran (les
tv sont individuelles et tactiles, elles sont disposées avec un bras articulé derrière
notre lit. Autant dire que c’est notre télé quoi !) afin qu’elle puisse
regarder le 19.45 avec moi. Plutôt que de me remercier elle me dit « Il
est bientôt 20 heures, le journal de la 1 il est mieux. » Je lui dis avec
un peu de fermeté qu’il faudrait se contenter de celui-là. (Je veux bien être
gentille mais j’ai mes limites ! Je lui avais proposé avant de partir en
perm’ de lui allumer la tv, elle m’avait répondu que c’était trop moderne pour
elle et qu’elle ne voulait pas s’en servir…C’est bien connu la modernité c’est
trop risqué, surtout quand quelqu’un s’en occupe et que vous avez juste à
regarder !)
A 20h30, elle m’a demandé de bien vouloir éteindre ma
lumière. Ce que j’ai fait (naïvement). A 21 heures, elle m’a demandé une
première fois si je ne voulais pas me coucher. Je lui ai dit qu’il était encore
trop tôt. (Même les poules étaient encore levées !) A 22H15, elle m’a
intimé l’ordre d’éteindre ma télé. Comme elle ne la voyait pas car j’avais pris
garde de tirer le rideau de séparation et surtout qu’elle ne l’entendait pas
puisque j’avais mis mon casque, j’ai refusé en justifiant que je regardais une
émission qui m’intéressait. (Et encore que ce ne fût pas le cas j’avais le
droit !) A 22 h 45, elle s’est levée en pestant et me disant que je n’étais
pas gentille, (Oui c’est souvent ce qu’on dit de moi !) que la lumière la
dérangeait que je devais éteindre. Comme je ne voulais pas d’incident diplomatique
le premier soir j’ai décidé d’obtempérer. (Bien mal m’en a pris !) Dans la nuit, je n’arrivais pas à dormir et je
décide donc de m’occuper avec mon portable. Alors qu’elle s’était levée 4 fois
dans la nuit en allumant la lumière commune de la chambre (Non mais moi c’est
bien connu ça ne me dérange pas d’avoir la lumière en pleine tête la nuit !),
elle a réussi à me dire que mon portable la gênait. Un peu au bout de ma
patience, (Quand on est réveillée 4 fois dans la nuit par sa voisine qui traine
des pieds et qu’on prend sur soi, alors qu’on est soi-même légèrement
insomniaque, ça peut entamer un chouilla votre calme légendaire.), je lui ai
rétorqué que si elle préférait je pouvais allumer ma lumière de chevet pour
lire ! Elle n’a rien trouvé à redire et s’est couchée.
Le lendemain, elle était aimable comme tout, comme si aucun
des évènements de la nuit n’avait eu lieu. Elle m’a même proposé de voir sa
prothèse mammaire… Comme ça, sans raison, c’est gratuit ! (Heureusement
que je prends des trucs pour les nausées ! Elle a dû se dire qu’il
fallait qu’elle forme la jeunesse aux risques du cancer du sein… Je ne sais pas !)
Malheureusement tous les soirs de la semaine ont été un copier-coller. A 20 heures elle commençait déjà à me demander d’éteindre.
Puis elle devenait hargneuse en me disant que je n’étais pas gentille du tout,
elle m’interpellait par des « Oh ! Oh ! Oh ! Elle entend
rien celle-là hein ! » (ça fait toujours plaisir !)
Elle pestait, se levait… Un soir elle a même
demandé aux infirmières de me faire éteindre ma télévision. Ces dernières lui
ont dit que je respectais toutes les règles de vie en communauté et que par
conséquent je pouvais faire comme bon me semblait.
Autant dire que Tatie
Danielle n’a pas appréciée. Elle me l’a fait payer toute la nuit, en faisant
exprès de se lever bruyamment, d’allumer toutes les lumières, de les laisser éclairer
le plus longtemps possible. Bref, notre bonne entente était clairement consumée…
Je pensais que ma vie à l’hôpital avait atteint son
paroxysme après cette colocation… Mais non, il ne faut jamais présumer de ce
que l’avenir nous réserve, il est plein de ressource !
Bon, vous vous doutez bien de ce qui va se passer là…
Non ?
Eh oui, la suite dans un prochain épisode, je ne vous
ai pas dit mais je suis auteure dans les feux de l’amour et plus belle la vie
aussi !
Coucou,
RépondreSupprimerDésolée mais en lisant ton article je sourie. Pas que tes péripéties me fasse plaisir mais en fait, j'ai vécu le même enfer avec une Tatie Danielle qui en plus ne faisait pas ses besoins dans les toilettes mais sur un pot en plastique qu'elle plaçait bien évidemment de mon côté du rideau pour pouvoir le raconter combien c'était difficile pour elle de faire ses pipis-cacas-popot depuis des années tout en grimaçant joyeusement à chaque poussée et en faisant des petits "ploufs" de la bouche chaque fois que le saint graal tombait dans la marmite. Haaa le bonheur à l'état pur! Les joies de la vie à deux, on partage tout!
Quel bonheur ce fut pour moi de quitter cette chambre et lorsqu'elle réclama mon numéro de téléphone pour pouvoir me donner de ses nouvelles alors que je voulais prendre mes jambes à mon cou mais que je risquais la chute et dans ces cas-là je risquais fort de rester prêt d'elle, un soupçon de lucidité m'a permis de finalement lui donner un numéro inconnu pour ne pas la blesser (enfin pas tout de suite, pas devant moi) quelle vilaine voisine de chambre je suis!!!