samedi 15 octobre 2016

Ma vie de patiente Acte 2 : La colocation



Petite introduction rapide : si vous tombez sur cet article par hasard sans avoir lu la première partie, vous risquez de ne pas y comprendre grand-chose. (Au risque de vous décevoir je ne suis pas du sud de la France, ne m’habille pas en jaune, et je numérote donc scrupuleusement mes articles. Si je vous dis qu’on en est à l’acte 2, c’est qu’il y a un acte 1, je ne vous piège pas.) Allez, vous êtes prêts pour la suite ? 

Pour vous remettre dedans vous en étiez à la fièvre et aux frissons qui faisaient leur apparition…(Chuuuuut ça recommence !)


Je me résigne donc à utiliser la sacro-sainte sonnette. A peine le bouton relâché, ma porte s'ouvre (Haha, mais non, allez 20 minutes plus tard ?), et l'aide-soignant d'une perspicacité étonnante me dit : 
"Oh vous, ça n'a pas l'air d'aller ! Vous êtes un peu pâlotte, vous voulez manger quelque chose ?" (Roooh la bonne idée que voilà ! Pour ceux qui vont dire : « Ben quoi, tu aurais pu être en hypoglycémie, ce n’était pas bête comme idée », je réponds : « C’est-à-dire qu’avec un œsophage, un estomac et des intestins qui ne fonctionnent que comme bon leur semble, manger c’est moins fastoche ! ») Mais je suis polie et gentille (parfois) alors j’ai répondu ça : "Hum non merci, en fait je ne me sens pas bien, j'ai des frissons". 
S’il y a une chose qu'on ne peut pas leur reprocher c'est que frissons+ nutrition, raisonne chez eux comme un signal d'alerte ! C’est le code rouge, celui qu’il ne faut pas laisser passer : JAMAIS !
"Ok ne bougez pas ! Je reviens" (ça tombe mal, parce que j'avais prévu d'aller me balader un peu dans l'hosto !)

Ni une ni deux, le voilà de retour avec tensiomètre d'une main, et thermomètre dans l'autre. (Tout juste si il n'a pas lancé un "OK. Dr Greene, vous me faites NFS, chimie, iono ! Scan du thorax, IRM de la tête et écho pelvienne… et un café ! ... Seuls les vrais comprendront !)
"Ah ben vous êtes à 130 de pouls, 38, 5 de tempèt' (Si, si j'avais l'impression d'entendre ma maman quand j'avais 5 ans, heureusement qu'ils n'ont pas les mêmes excès quand ils mettent des suppositoires aux patients : Alors un, deux, trois le spoutnik est parti !"). Effectivement c'est pas terrible tout ça ! (En plus il a un accent du sud, il ne manquait plus que les cigales, et le Pinédou qui se boit glace !) Je vais prévenir l'infirmière, je reviens, vous ne bougez pas hein ?" (Oh ben ça tombe mal encore une fois parce que... Ok... Je me tais). 
De là on arrête la nutrition, on pique les hémocultures, on pose une voie périphérique. Vous êtes facile à piquer non ? Ah bon ? Pourtant je sens vos veines... Bon je vais essayer un rose... Oh non ça a gogné... Bon je recommence... Oh ben zut ça ne remonte pas ! Heureusement que j'en ai prévu plusieurs ! Bon tant pis je vais vous poser un bleu sur le dessus de la main ! Bref, la routine ! (Hé, comique de répétition !)

Bien entendu, je sentais que ma sortie au lendemain était un peu compromise. 

Dans la soirée, j'ai fait un malaise vagal. Le malaise un peu fouine, où tu ne tombes pas vraiment dans les pommes (en tous cas pas moi !) mais où tu sens que ton corps n'est plus vraiment le tien. J'avais décidé d'aller au lieu d'aisance après avoir ressenti une grande nausée qui n'annonçait rien de bon. C'est là accroché à mes toilettes que ma vue s'est troublée, que je suis devenue translucide (Non là vraiment ce n'était plus du blanc, même les lèvres n'étaient plus colorées), avec une température interne qui devait avoisiner les 80°C (Au vue de la chaleur ressentie dans mes joues), et que mes jambes ont décidées qu'elles ne me porteraient plus. A ce moment là je ressemblais plus ou moins à ça : (en plus vivante bien entendu…Trop osée ? Ha…)



J'ai donc utilisé pour la seconde fois en quelques heures la sacro-sainte sonnette pour appeler à l'aide. 
Remise dans mon lit, j'ai eu le droit à une visite expresse de l'interne de garde, qui avait l'air vraiment ennuyé de devoir se déplacer pour ça. "Bon, il parait que vous avez fait un petit malaise ? Je suis obligée de venir. (Ah bon ? J’aurais pourtant juré que vous étiez là de votre plein gré et par courtoisie… Comme quoi les apparences !) Ouvrez la bouche, tirez la langue, regardez par là, par là. Ok. Vous sentez là ? Ok. Bon ben c'est un malaise vagal, c'est rien." Et elle est partie.
Tant de chaleur humaine ça vous réconforte ! La médecine avant tout c'est un métier humain, de relation à l'autre, d'entraide, de… Comment ? Pas pour tout le monde ? Ben visiblement non effectivement ! 

Bref après cet épisode mon corps était fatigué. De toute façon, il n' avait plus rien à faire à part attendre les résultats le lendemain alors autant dormir, le temps passerait plus vite.


Mercredi 28 septembre au mardi 4 octobre : 

Les hémocultures ont poussé. On a su qu'il y avait non pas une mais deux bactéries digestives plantées sur le cathéter, et que "Oh bonheur" elles n'étaient pas faciles à traiter. 

Début des antibiotiques… Changement des antibiotiques… Réajustement des antibiotiques. 

Le samedi, j'ai déménagé dans le service de gastroentérologie car le service de nutrition était lui-même en pleine mutation géographique. Il allait disparaitre définitivement de cet hôpital pour aller s'implanter dans un autre. Heureusement, les infirmières d'un service sont les mêmes que pour l'autre (sauf pour celles qui partaient en même temps dans l'autre hôpital, vous suivez ?) 

Petit aparté, l'autre jour une nouvelle lectrice du blog, s'est questionnée à la suite de la découverte de mes articles sur les relations soignants-patients. Il est vrai que j'ai fait le choix de raconter mes aventures, et pour ne rien cacher c'est plus drôle quand il se passe quelque chose. (Prenez le diner de cons, si finalement il avait annulé son programme après s’être bloqué le dos, l’histoire aurait été sans doute bien moins connue ! Bon et puis pour tout avouer, j’ai du mal avec le cinéma d’auteur, les séquences fixes, longues… Chiantes quoi !) Du coup, on a peut-être l'impression que tout le corps médical est mauvais (et c'est pas faux !)  En réalité, j'évoque rarement le personnel soignant qui a une action positive sur les patients. Et pourtant il y en a. Les infirmières de ce service (A l'exception d'une ou deux...Ou comment mettre la panade en ne citant personne), en font partie. Elles prennent le temps de discuter, d'échanger un bout de leur vie, de venir plaisanter ou même chanter (oui, oui !). Elles prennent le temps d'écouter, de rassurer, de se plaindre avec nous des médecins (oui, oui !). Bref elles rendent la vie moins difficile et il est important aussi de le dire alors si jamais un jour l’une ou l’autre passe par-là MERCI !

Allez minute émotion terminée : On y retourne ! 

J'ai donc déménagé et j'ai eu l'immense chance de me retrouver dans une chambre double, avec une mamie de 80 ans. (En règle générale ça ne me pose pas de problème d'être sociable, sauf quand je suis un aimant ,et là…J’en étais un…)

J’entre dans la chambre avec tout mon barda et une pointe d’émotion car je découvre que c’est celle que j’avais eu lors de ma toute première hospitalisation (Nan, c’est pas vrai, c’est mes parents qui me l’ont fait remarqué, moi et mon sens de l’orientation on avait oublié !)
  
Je lance un « Bonjour Madame », qui m’avait pourtant semblé audible. 

Pas de réponse. 

Alors je me raisonne en me disant qu’elle est peut-être sourde et un peu aveugle (Si quand même je ne suis pas si mince, on voit encore quand j’entre dans une pièce !) Je m’avance jusqu’à mon armoire et décide de m’installer tranquillement.

Une fois mes affaires déposées, j’essaye d’entamer la discussion avec ma voisine. Le plus simple à l’hôpital étant de commencer par : « ça fait longtemps que vous êtes ici ? » 

(Trucs et astuces de l’hôpital : le « ça fait longtemps que vous êtes ici » est une excellente technique d’approche pour débuter une conversation. S’en suivra le «Ah oui quand même… Et vous êtes là pour quoi, si ce n’est pas indiscret ? », doublé d’un inévitable « Hum… Pas cool… on n’est jamais là par plaisir de toutes façons… » Ce trio fonctionne à tous les coups, quelle que soit la réponse. Je vous sens septique. Bon je vous fais un exemple, mais ne vous viendrez pas vous plaindre de la longueur de l’article hein ! Alors je vais prendre deux exemples extrêmes comme ça, vous ne pourrez pas dire… : 

Exemple 1 : 
-         - Bonjour… (Là on vous répond ou non, mais ne baissez pas les bras !) Ça fait longtemps que vous êtes ici ?
-         -  Roh ben oui déjà 3 mois !
-         -  Ah oui quand même. Et vous êtes là pour quoi, si ce n’est pas indiscret ? 
-         -  Cancer…
-         -  Hum… Pas cool… on n’est jamais là par plaisir de toutes façons… 

Exemple 2 : 

-       -   Bonjour… (Là on vous répond ou non, mais…) Ça fait longtemps que vous êtes ici ?
-          - Roh ben oui déjà 3 jours !
-         -  Ah oui quand même. Et vous êtes là pour quoi, si ce n’est pas indiscret ? 
-          - Coloscopie…
-        -   Hum… Pas cool… on n’est jamais là par plaisir de toutes façons… 

CQFD… Ce qu’il fallait démontrer ! On peut reprendre ?... Bon…)

Elle me répond donc qu’elle est là depuis 5 jours, qu’elle est venue pour une coloscopie mais qu’il lui avait trouvé un polype et qu’avec son sang trop liquide, puis de toute façon à son âge, elle vivait déjà en foyer et qu’elle attendait une place en EHPAD, mais que bon c’était plein et qu’il fallait attendre que quelqu’un meurt… (Oui alors j’ai bien dit que c’était utile pour entamer la conversation, pas que la réponse allait vous intéresser !) 

De là mes parents sont arrivés et j’ai eu le droit à une permission. (Attention retour exigé à 16 heures sinon vous êtes considérée comme déserteur !) J’ai donc laissé la vieille dame déblatérer seule. Je me suis rendue compte de son capital sympathie lorsque ma maman lui a gentiment demandé si elle pouvait utiliser la salle de bain (bon les toilettes quoi !) parce qu’après quasiment 3 heures de route, en tant que fille qui se respecte… ça devenait difficile ! Elle lui a répondu : « Ben oui vous pouvez… Mais bon doit bien y en avoir dans le couloir quand même ! »

Voilà, voilà ! 

De retour de perm’, la voisine n’avait pas bougé d’un iota. Elle était dans son lit, sans lecture, sans télé, sans jeux, sans visite… Bref la journée avait dû être longue. 

Lorsque les plateaux repas sont arrivés, elle a commencé à râler. (Bon ok c’est pas de la grosse gastronomie, mais parfois on a le droit à des délichoc’ alors bon !) Elle m’a demandé pourquoi je ne mangeais pas. Je lui ai répondu que je ne pouvais pas vraiment. Elle a donc rétorqué « De toute façon les plateaux sont trop chargés, ça fait du gâchis ! ». Tant de compassion… 

Après le repas, elle m’a demandé pourquoi j’étais là. (Il faut savoir que juste après mon arrivée j’étais en pleine perfusion. Elle m’avait regardé en me lançant un « C’est pas facile ce qu’ils vous font ! » Ne comprenant pas, je lui avais demandé de répéter. Ce sur quoi, elle m’avait dit qu’avoir un cancer à mon âge ce n’était pas facile ! Dans un rire étouffé, je lui ai répondu qu’il s’agissait d’un antibiotique et non d’une chimiothérapie et que j’étais là pour une infection…Suite à cela, elle n’avait pas creusé plus en profondeur.)
Je lui réponds que je suis là pour une infection sur le cathéter (tout en lui montrant le responsable) et que je risquais une septicémie. Et c’est dans un moment de grâce extrême qu’elle me sort : « Ah oui moi j’ai fait une cystite une fois… Ben je ne le souhaite à personne ! » Ah ben oui, septicémie (infection du sang), Cystite (infection urinaire), à ça près on y est ! 

Je sentais alors que ma coloc’ ne serait pas la plus sympathique que j’aurais connu mais que ce n’était pas grave. Sauf que je ne savais pas qu’à partir de 20 heures, la veille dame allait se transformer en tyran ! 

A 19h45, elle se plaint que ça fait une semaine qu’elle ne suit plus les actualités. Gentiment je décide donc de tourner mon écran (les tv sont individuelles et tactiles, elles sont disposées avec un bras articulé derrière notre lit. Autant dire que c’est notre télé quoi !) afin qu’elle puisse regarder le 19.45 avec moi. Plutôt que de me remercier elle me dit « Il est bientôt 20 heures, le journal de la 1 il est mieux. » Je lui dis avec un peu de fermeté qu’il faudrait se contenter de celui-là. (Je veux bien être gentille mais j’ai mes limites ! Je lui avais proposé avant de partir en perm’ de lui allumer la tv, elle m’avait répondu que c’était trop moderne pour elle et qu’elle ne voulait pas s’en servir…C’est bien connu la modernité c’est trop risqué, surtout quand quelqu’un s’en occupe et que vous avez juste à regarder !)

A 20h30, elle m’a demandé de bien vouloir éteindre ma lumière. Ce que j’ai fait (naïvement). A 21 heures, elle m’a demandé une première fois si je ne voulais pas me coucher. Je lui ai dit qu’il était encore trop tôt. (Même les poules étaient encore levées !) A 22H15, elle m’a intimé l’ordre d’éteindre ma télé. Comme elle ne la voyait pas car j’avais pris garde de tirer le rideau de séparation et surtout qu’elle ne l’entendait pas puisque j’avais mis mon casque, j’ai refusé en justifiant que je regardais une émission qui m’intéressait. (Et encore que ce ne fût pas le cas j’avais le droit !) A 22 h 45, elle s’est levée en pestant et me disant que je n’étais pas gentille, (Oui c’est souvent ce qu’on dit de moi !) que la lumière la dérangeait que je devais éteindre. Comme je ne voulais pas d’incident diplomatique le premier soir j’ai décidé d’obtempérer. (Bien mal m’en a pris !)  Dans la nuit, je n’arrivais pas à dormir et je décide donc de m’occuper avec mon portable. Alors qu’elle s’était levée 4 fois dans la nuit en allumant la lumière commune de la chambre (Non mais moi c’est bien connu ça ne me dérange pas d’avoir la lumière en pleine tête la nuit !), elle a réussi à me dire que mon portable la gênait. Un peu au bout de ma patience, (Quand on est réveillée 4 fois dans la nuit par sa voisine qui traine des pieds et qu’on prend sur soi, alors qu’on est soi-même légèrement insomniaque, ça peut entamer un chouilla votre calme légendaire.), je lui ai rétorqué que si elle préférait je pouvais allumer ma lumière de chevet pour lire ! Elle n’a rien trouvé à redire et s’est couchée.
Le lendemain, elle était aimable comme tout, comme si aucun des évènements de la nuit n’avait eu lieu. Elle m’a même proposé de voir sa prothèse mammaire… Comme ça, sans raison, c’est gratuit ! (Heureusement que je prends des trucs pour les nausées ! Elle a dû se dire qu’il fallait qu’elle forme la jeunesse aux risques du cancer du sein… Je ne sais pas !) 

Malheureusement tous les soirs de la semaine ont été un copier-coller. A 20 heures elle commençait déjà à me demander d’éteindre. Puis elle devenait hargneuse en me disant que je n’étais pas gentille du tout, elle m’interpellait par des « Oh ! Oh ! Oh ! Elle entend rien celle-là hein ! » (ça fait toujours plaisir !)
 Elle pestait, se levait… Un soir elle a même demandé aux infirmières de me faire éteindre ma télévision. Ces dernières lui ont dit que je respectais toutes les règles de vie en communauté et que par conséquent je pouvais faire comme bon me semblait. 
Autant dire que Tatie Danielle n’a pas appréciée. Elle me l’a fait payer toute la nuit, en faisant exprès de se lever bruyamment, d’allumer toutes les lumières, de les laisser éclairer le plus longtemps possible. Bref, notre bonne entente était clairement consumée… 
 
Je pensais que ma vie à l’hôpital avait atteint son paroxysme après cette colocation… Mais non, il ne faut jamais présumer de ce que l’avenir nous réserve, il est plein de ressource ! 

Bon, vous vous doutez bien de ce qui va se passer là… Non ?
Eh oui, la suite dans un prochain épisode, je ne vous ai pas dit mais je suis auteure dans les feux de l’amour et plus belle la vie aussi !




1 commentaire:

  1. Coucou,
    Désolée mais en lisant ton article je sourie. Pas que tes péripéties me fasse plaisir mais en fait, j'ai vécu le même enfer avec une Tatie Danielle qui en plus ne faisait pas ses besoins dans les toilettes mais sur un pot en plastique qu'elle plaçait bien évidemment de mon côté du rideau pour pouvoir le raconter combien c'était difficile pour elle de faire ses pipis-cacas-popot depuis des années tout en grimaçant joyeusement à chaque poussée et en faisant des petits "ploufs" de la bouche chaque fois que le saint graal tombait dans la marmite. Haaa le bonheur à l'état pur! Les joies de la vie à deux, on partage tout!
    Quel bonheur ce fut pour moi de quitter cette chambre et lorsqu'elle réclama mon numéro de téléphone pour pouvoir me donner de ses nouvelles alors que je voulais prendre mes jambes à mon cou mais que je risquais la chute et dans ces cas-là je risquais fort de rester prêt d'elle, un soupçon de lucidité m'a permis de finalement lui donner un numéro inconnu pour ne pas la blesser (enfin pas tout de suite, pas devant moi) quelle vilaine voisine de chambre je suis!!!

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