mercredi 16 mars 2016

Quand je serai grande ... Je serai...





Ma tête fourmille : de questions, de projections futuristes (ou futuresques ? en tous cas d'interrogations sur l'avenir ! ) 

Vous savez ces moments où tout vous semble incertain, où vous avez envie de plein de choses mais qu'en même temps elles semblent inaccessibles. 

Ce n'est pas un sentiment de défaite, ni un moment de pessimisme, ça sonne plutôt comme une prise de conscience. 
J'ai pris conscience que je ne pouvais pas programmer une semaine à l'avance un projet. J'ai pris conscience que le mental ne fait pas tout. J'ai pris conscience que ma vie était une organisation perpétuelle. J'ai pris conscience qu'on ne peut pas décider de tout, que la vie n'est pas tracée, qu'elle est sans cesse en mouvement. J'ai surtout pris conscience que je ne pourrai pas travailler "comme tout le monde". 

Ce "comme tout le monde" me dérange, mais il faut l'avouer il s'impose. Nous sommes dans un schéma de société inculqué depuis l'enfance : naissance-école- diplômes (passes ton bac d'abord !) - travail-retraite. (Enfin peut être un jour, pour les plus chanceux ou les plus vieux d'entre vous haha !) 

Petite je reproduisais les gestes des "grands". (Rien de rare là dedans hein, c'est le but des jeux : dinette, ménage, mécano.) J'adorais faire semblant de passer l'aspirateur, changer bébé... (J'avoue qu'une fois qu'il faut le faire pour de vrai c'est nettement moins emballant...)  
J'ai aussi eu ma période "maîtresse", une véritable passion que d'inculquer mes savoirs tout juste acquis à des poupons de 15 centimètres.J'ai poursuivi avec la récupération de publicités d'un magasin de bricolage. (Papier journal, avec pour seules couleurs celles des présentations d'échantillons). Attablée à mon bureau dalmatien (oui oui, j'ai eu un bureau Pongo !), sur lequel était savamment disposé un téléphone à cadran marron (branché à...ben ...rien !) et mon super pot à crayon (c'est à dire une boite de lait pour bébé recouvert de papier vénilia Minnie !),  je vendais des salles de bain, cuisines et autres toilettes armée des dits prospectus cités précédemment !  Bref j'étais une working girl en puissance ... d'environ 8 ans. Aucun manque d'approvisionnement ne me résistait, j'appliquais des réductions à mes meilleurs clients et savais leur vendre nos produits derniers cris ! Une commerciale, une vraie ! ... Et puis, j'ai grandi. J'ai laissé tomber le commerce pour devenir chanteuse/maquilleuse par intermittence avec ma copine mémé. On se repeignait la face avec une palette maquillage trouvée dans un magasin de jouet, Youtube n'existait pas encore mais nous aurions fait un ravage et toutes les youtubeuses beautés nous auraient jalousées. (Alors je vois que vous vous posez tous une question et je vais y répondre : Non nous n'avons jamais eu de boutons, un exploit !). 

 Et puis j'ai encore grandi ! Et on a commencé à me parler d'avenir, de conseillères d'orientation, de : "tu veux faire quoi après la 3eme ?". Et puis c'était déjà compliqué pour moi, car ma maladie (enfin la mienne et celle de tous les autres hein ! J'en fais pas une exclusivité ! ) qui n'était pas encore diagnostiquée me causait déjà quelques tracas. J'ai eu ma période : 
- " Je veux être prof de théâtre ! "
- "Pourquoi ?"
- "¨Parce que j'adoooooooore le théâtre !" (Avouons que c'est un peu court comme argument, je le concède) 
-"Oui mais tu comprends, c'est pas stable...blabla...intermittent...blabla...pas facile de vivre d'une passion....blablabla...peu de place. (J'ai été à l'essentiel !) 

Après réflexion, je me suis donc renseignée pour être éducatrice jeunes enfants. (Ahhh cette envie d'aider son prochain !) J'ai donc été dans l'école des éducateurs jeunes enfants pour connaitre le parcours post bac. 
-"Bonjour Madame, je suis clochette, j'ai 16 ans et je voulais des renseignements pour être EJE." (ouaich, t'as vu, je maitrise le vocabulaire !)
-" Euh, oui...alors il faut s'inscr...mais euh votre attelle au bras là c'est ...temporaire ?"
-"Ah non, ça risque de durer un moment ... voir toute ma vie héhé (petit moment gênant)."
-"Ah oui mais non hein ! ça ne sert à rien alors, on ne vous prendra jamais. Vous avez déjà vu un éducateur avec un seul bras vous ? Faut trouver autre chose !."


Voilà. A 16/17 ans j'en étais là. Je ne savais pas ce que j'avais et ça commençait à mettre quelques bâtons dans mes roulettes. Le coup de grâce est arrivé le jour de mes 18 ans, le jour de la libération d'Ingrid Betancourt, lorsque qu'on m'a dit que mon épaule était condamnée. (Toute en finesse comme toujours !).
 J'étais perdue et ne savais pas ce que j'allais faire de ma vie : j'ai envisagé prof, police scientifique (si si un jour je suis rentrée emballée d'un forum d'orientation, en étant persuadée que c'était mon avenir. C'est vous dire l'utilité de ces fora ! Moi qui ai peur dès que la nuit tombe, qui flippe au moindre bruit, en train de découvrir des cadavres : mais c'est bien sûr !), diététicienne (le prix des écoles m'a achevé ...enfin a achevé mon projet)...

J'ai décidé de partir en Sciences de l'éducation, en me disant qu'un jour je passerai le concours pour être prof des écoles à l'hôpital.

Enfin bref, je ne vais pas vous retracer tout le cheminement intérieur qui fait qu'aujourd'hui je suis en poste confortable, en étant sûre de mon projet pro...Ah ben non en fait, j'ai passé mon bac, j'ai fait des études (que j'ai choisies, je tiens à le préciser), j'ai eu mes diplômes...et je ne trouve pas de boulot. La faute à la situation économique Française ? Peut-être en partie mais si je veux être franche, pas seulement. 

Je n'ai jamais (jusqu'à maintenant) remis en doute le fait que je pouvais travailler. J'avais une idée très arrêtée là dessus, genre : "Faut pas déconner non plus, c'est pas si grave ce qu'on a ! On peut bien travailler !" (A deux, trois mots près ça donnait ça !) 

Je me suis battue contre moi-même pendant mes études, je me suis même épuisée parfois. (Je ne suis pas une intellectuelle, je suis une travailleuse. Je n'imprime pas naturellement, je m'acharne ... qu'on se le dise.) Je passais donc des heures sur mes fiches, à réviser, à écrire... Je ne sortais pas (toutes façons je n'aime pas ça) et je bossais la nuit. (Oui les nuits où j'avais trop mal pour dormir, je me défoulais sur mes cours.) En clair celui qui me dit que la fac c'est la glande, je l'atomise ! Mais j'aimais ça (ahhh ce petit côté sado en chacun de nous !). Je me sentais utile, en train de préparer mon avenir. 

J'ai enchainé les petits boulots une semaine après ma remise de diplômes, jusqu'à trouver un CDD dans mon domaine. Je me suis aperçue que la fibre commerciale m'avait réellement quittée et que ce n'était pas dans ce milieu que je m’épanouirais. (Adieu bureau Pongo !). En plus, mes problèmes de nutritions devenaient réellement compliqués à gérer. Je ne mangeais pas, je ne dormais que très peu, les voyages m'épuisaient. J'ai donc décidé de prendre le temps de faire un point santé et de m'occuper de moi. 

J'ai postulé beaucoup, sans réponse. Je me suis donc lancée dans un service civique. Un poste à 80 %, qui me plait énormément. 
Depuis septembre j'enchaine sans vraiment m'arrêter les boulettes de santé et je me sens épuisée. Cet épuisement rend impossible les projections futuresques (ou futuristes..ou ... m'enfin, z'avez compris.) Au contraire, il est le lot de réelles interrogations. 

J'échangeais avec un médecin qui me demandait quels étaient mes loisirs dernièrement. Et je me suis mise à pleurer... car je me suis rendue compte qu'entre le travail (dans lequel j'ai besoin de m'investir), les branchements de nutritions, les rendez vous médicaux, les hospitalisations (qui ne seront pas toujours dans mon emploi du temps ...du moins j'espère), les livraisons du prestataire, de la pharmacie, les prises de sang au laboratoire, les crises de douleurs... J'étais trop fatiguée pour sortir le week-end, pour voir du monde. Que je n'en n'avais même pas envie. Alors oui je pâtisse, je fais quelques trucs par ci par là... mais je ne fais pas tout ce que je voudrais. 
Et puis, comment se projeter dans un travail sur le long terme alors que je ne sais jamais de quoi sera fait demain ? Quel employeur acceptera que je ne sois pas là un jour sur deux ? Nous ne sommes pas dans le monde des bisounours...être employé c'est une charge pour celui qui recrute, il faut être rentable et ce quel que soit le domaine. 
Alors qu'est ce que je vais faire ? J'ai fait le deuil d'un temps plein, je m'aperçois que 80 % c'est dur aussi... Un mi temps ? Mais à 25 ans, on devrait travailler comme "tout le monde", non? Pourquoi dans notre modèle de société on se sent "inutile" si on ne travaille pas ? Si on ne suit pas le modèle ? 
Pourquoi on ne pense pas à ceux qui sont malades mais qui veulent travailler et ne pas se retrouver à des postes sans responsabilités, des postes placards ? Pourquoi est-ce que c'est à nous de rassurer l'employeur alors que nous n'avons pas les cartes pour nous rassurer nous-mêmes ? Et qu'est-ce que je fais si un jour, avec toute la volonté du monde, je ne réussis plus à rentrer dans le moule ? 
Je ne veux pas être dépendante financièrement de quelqu'un ...et pourtant si je ne vais plus travailler je le serai. Pourquoi ? Parce que le système est si bien fait que l'aide aux adultes handicapés est calculée en fonction du revenu du conjoint (qui doit être quasiment au SMIC pour permettre une véritable aide)... Parce que le système est si bien fait que pour avoir la reconnaissance d'une invalidité dans le travail, il faut que je reprenne un emploi pendant un certain nombre d'heures, sans période de chômage et avec un nombre de jour d'arrêt bien défini... Mais qui veut reprendre en sachant que l'issue est un échec ? Qui souhaite se mettre délibérément en difficulté ? ... 

Bref, moi quand je serai grande ...je serai ... grande ! (...ou pas !)






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