De plus en plus, je me dis que je suis une mauvaise patiente.
J'ai souvent essayé de réfléchir (oui alors déjà là vous sentez qu'on est encore loin du Graal, quand on "essaye de réfléchir", c'est pas gagné !) à ce que pouvait être un BON patient pour les médecins.
Du coup je me suis listée des critères (ça n'a rien de scientifique, rien de prouvé, juste un état des lieux entre moi et moi... et c'est déjà pas mal !)
Le bon patient (selon moi) c'est :
1)- Celui qui se laisse diagnostiquer facilement : le rhume, la gastro, le bon vieux cancer (pas celui qui fait plein de carabistouilles par ci par là), la hernie discale franche... Bref, vous avez des signes, et ces signes correspondent à une pathologie connue et facilement identifiable.
2)- Celui qui est réceptif aux traitements : la pathologie demande un traitement A sur tant de jours, on donne le traitement A sur tant de jours, la pathologie disparait : vous êtes guéri ! (ou sauvé, ou les deux parfois !)
3)- Celui qui est de bonne composition : il ne râle pas, accepte de faire les essais (mais bon normalement y en n' a pas beaucoup à faire puisque si on se réfère au point 1 et 2, le bon patient n'a pas besoin d'être cobaye)
4)- Celui qui est malade et respecte le grand savoir du monde médical : pas de remise en doute. Il écoute, fait ce qu'on lui demande, il a CONFIANCE ! (Mais encore une fois, c'est plus facile pour lui car il n'a pas a douté en une médecine qui a toujours cru en lui, réussi à le soigner sans problème, confère point 1 et 2 ! On en revient toujours au même).
De mon côté, j'ai pensé pendant longtemps (si on était dans un conte j'aurais pu commencer cette phrase par : dans un passé fort, fort lointain ... mais la vie n'est pas un conte de fées alors vous vous contenterez d'il y a longtemps et puis c'est tout ! ), que si j'étais sage et surtout docile, le monde médical m'aimerait mieux, et donc me soignerait mieux. (Oui c'est crétin ! Parce qu'avec une réflexion pareille tous les violeurs, tueurs, et autres déviants de la société se retrouveraient mis de côté et sans aucun soin médicaux... Or, ce n'est pas le cas... Enfin... je ne crois pas ! Le droit à l'accès aux soins pour tous... tout ça, tout ça.)
Alors j'ai appliqué à la lettre : ne pas me rebeller, accepter avec le sourire, être polie (maman et papa m'ont bien appris à dire les mots magiques...) Espérant que cette attitude compenserait le fait que je n'étais pas une "bonne malade". (Je n'entre ni dans le critère 1 du bon patient... Ni dans le 2... Bon ben plus dans le 3 maintenant du coup hein ! Et alors le 4... A-t-il jamais existé ? Je ne sais pas...)
Et puis finalement, je me suis aperçue que ça ne changeait pas grand chose. Que la grand-mère ronchon, râleuse, aigrie (et ... oui ? On a compris ? Très bien...) était prise tout autant au sérieux (voir même plus) que boucle d'or ! (c'est une image... je ne suis pas blonde...Enfin pas autant ! C'est pour avoir l'image de la petite fille gentille, aux joues roses, bien élevée quoi !)
J'ai donc appris à me révolter (encore pas suffisamment, mais sur mon carnet de notes on pourrait écrire "en net progrès, poursuis tes efforts ! Encouragements du conseil de classe"), à dire quand je n'acceptais vraiment pas une décision, à prendre conscience que la médecine n'avait pas toutes les clés, et que certains patients ne pouvaient pas être sauvés (c'est triste, mais c'est la vraie vie. Docteur House non plus il ne sauve pas tout le monde !) Que certaines expressions de pathologies ne pouvaient pas être contrées. Et que c'était comme ça, qu'il faudrait apprendre à vivre avec sans nourrir de rancœurs supplémentaires. ( Yeah, vous avez vu cette philosophie incroyable ? En vrai, je me sens seule et abandonnée de tous, mais bon c'est moins glam' alors je fais style j'ai encore un mental incroyable, c'est bon ça, ça marche (ça mâche) super bien ! ( Vous l'avez lu avec un accent anglais mal fait tout en pensant à cette bonne vieille pub Bonduelle ? C'est normal...)
Alors pourquoi toutes ces réflexions autour du bon et du mauvais patient ?
Parce qu'aujourd'hui, après 6 mois d'attente, (c'est long 6 mois quand on souffre) j'avais rendez-vous au centre anti-douleurs. TADAAAAAAAAAA !
Bon pour dire vrai, ça c'était plutôt la réaction qu'on attendait que j'ai... Moi ça a plutôt été :
Parce qu'en vrai, je n'en n'attendais pas grand chose de ce rendez-vous.
A vrai dire, si une solution miraculeuse existait, je pense que le monde médical serait tellement fier de le faire savoir, que nous serions au courant. M'enfin... J'y suis allée tout de même, pour voir. (Et aussi pour qu'on arrête de me dire de 'prendre contact avec un centre de traitement de la douleur parce que vraiment c'est sûûûûûr (oui avec plein de û tellement c'est sûr) qu'on pourra faire quelque chose pour toi, c'est pas possible qu'il n'existe pas de solution' )
Arrivée 3/4 d'heure avant le rendez-vous (je n'aime pas être en retard). On me prévient que le médecin n'est pas encore là, et qu'il ne pourra donc pas me prendre en avance. (Mais je ne viens pas plus tôt pour qu'on me prenne en avance, mais par peur d'être en retard). Je m'installe donc dans la salle d'attente... climatisée (euh les gars, il fait super froid aujourd'hui dehors !) J'ai donc patienté... en mode glaçon :
Au bout d'une demi-heure (de retard pour lui... donc une heure et quart pour moi), le Docteur est arrivé.
Il s'est excusé du retard pris (De ce que j'ai compris il était en train de préparer son powerpoint pour le cours du jour dispensé aux étudiants de médecine...D'après ce qu'il a raconté au téléphone à son collègue pendant notre rendez-vous, il s'agissait d' une sombre histoire de vignette à supprimer pour ne pas faire doublon... enfin bref, là n'est pas le sujet... Sauf si vous êtes étudiants en médecine, alors là peut être que vous saurez que vous avez failli avoir des diapos en doublons... Et ça c'était moche quand même !)
Breeeeeef !
Nous avons commencé notre échange. Et comme rien ne remplace un bon dialogue ... sortez vos chips ! (ou pop corn, c'est à votre convenance, les tomates cerises peuvent faire l'affaire aussi...Je déconseille le chamallow, on peut s'étouffer avec ...) :
Docteur : (Il lit la lettre de mon médecin traitant) "Alors... Vous avez eu du fentanyl ? Ben j'espère que vous ne l'avez plus... C'est une connerie ça... Vous connaissiez Prince ?
Moi : "Pas personnellement (l'humour est mon maitre mot)... Mais oui..."
Lui : "Ben il est mort de ça... avec cette merde !' (Ok donc visiblement vous n'êtes pas pour pour... Mais pourrait t on envisager qu'il soit mort d'un surdosage (voulu peut être bien même) et pas du produit en lui même (sauf si grosse allergie mais alors là... c'est pas de chance quoi ! )
Moi : "Ha..." (Que voulez-vous répondre d'autre en même temps ?)
Lui : "Bon la nutrition... c'est obligatoire ?" (Oh naaaaan penses-tu, c'est accessoire, un effet de mode ! Comme les bars à oxygène quoi ! Un petit coup quand on a envie, vite fait bien fait. On choisi le goût et roule ma poule !)
Moi : "Disons que sans je ne serais plus là pour vous parler" (sous entendu je pourrais parler avec Prince ! Moins rapide que le Fentanyl la dénutrition, mais le résultat est similaire !)
Lui : "Mais vous ne voulez pas l'enlever ?" (Nan, c'est à moi je la garde ! C'est comme mes billes et mes pogs, c'est ma collec' perso !)
Moi :"Je ne peux pas surtout... Je ne peux pas me nourrir suffisamment !"
Lui : "Mais vous pouvez manger...'"
Moi : (ça va être long...) Je peux manger, mais je ne peux pas me nourrir... c'est du plaisir quoi, un carré de chocolat par ci, un demi-verre par là (désolée pour ceux qui disent carreau de chocolat... ça restera un éternel débat comme les pains au chocolat et les chocolatines...choisissez votre camp !)
Lui : "Vous buvez quoi ?"
Moi : (ça va être très très long...) "Principalement du coca, de l'eau avec des bulles... Ca me calme les nausées."
Lui.: "ok. Donc on la garde. (L'alimentation ? Ha ben oui, mais c'était pas trop trop le sujet en fait !)
Bon sinon vos douleurs (oui voilà, c'est ça le sujet !), racontez-moi... (euh... Ben... j'ai mal ?)
Moi : "J'ai mal depuis petite, surtout aux articulations et au digestif. J'ai des douleurs que je sais expliquer et d'autres non..."
Lui : "Vous êtes mariée depuis combien de temps ?" (Depuis... jamais !) Vous avez des enfants ?
Moi : "Non."
Lui : "Pourquoi ?' (PARCE QUUUUUUEEEEEEE !)
Bref après avoir noté ma ville de naissance, le nombre de frères que j'avais, le métier de mon conjoint, on est passé à ce que je faisais moi. Je lui explique que je suis en reconversion...
Lui : "Mais pourquoi ?" (PARCE QUUUUUUEEEEEEE !) Et pourquoi vous n'avez pas fait ça directement ? Et pourquoi vous êtes orientée dans le handicap ? Et pourquoi vous avez pris tous ces chemins ? Et pourquoi ... ?
Bref, j'ai répondu.
Là il a décidé de me faire un schéma de la douleur avec la réception du message nerveux, et l'influence des pensées et des émotions.
Lui : "Vous fumez ?"
moi : "Non."
Lui :"Imaginez que je vous brûle avec une cigarette sur le dos de votre main droite. (OK je visualise, mais en quoi fumer ou non me permettrait de ne pas imaginer ou d'imaginer mieux la situation ?). Le cerveau reçoit l'information, vous avez le réflexe de retirer votre main... qu'est-ce que vous ressentez comme émotion ? "
Blanc (j'attendais la suite)
Moi : (Ha mais c'était vraiment une question ?... ) Ben de la colère."
Lui : "Oui, maintenant je m'excuse... qu'est-ce que vous ressentez ?" (Mais je sais pas moi, de l'apaisement sans doute....) Avec l'apaisement votre niveau de douleur se situe là (il a fait une petite croix sur un trait vertical... ça peut aider à visualiser !) Bon maintenant je vous brûle mais je ne m'excuse pas et je vous crache la fumée à la figure. Qu'est-ce que vous avez envie de me dire ? (Que vous êtes un gros con ? Bon je l'ai formulé poliment ! Mais j'avais juste dans ma réponse ! ) Bon et bien votre douleur se situe là (là il a fait une croix quelques centimètres au dessus de la première, j'avais plus mal quoi !). Et maintenant je vous brûle, mais je vous attache avant et vous séquestre (euh, je peux partir ? Pourquoi la porte elle est fermée ? Houoouuu y a quelqu'un ? Sympa l'ambiance) Qu'est-ce que vous ressentez ? (De la colère et de la peur... je suppose... Faudrait voir quoi ... Je suis consentante ou non ? Vous vous appelez Christian Grey ? (Si je vous disais son nom et prénom vous ririez avec moi.. Mais anonymat oblige...) Bon là encore j'avais bon !) Avec la peur votre douleur se situe là (Une croix encore plus haute que celle d'avant).
Oui bon ben tout ça pour dire que les émotions jouent sur le ressenti de la douleur... C'est marrant mais je le savais déjà ça ! Par expérience c'est toujours plus facile de s'apaiser bien au chaud chez soi dans sa couette que pendant un gros examen... (Pas besoin de brûlure de cigarette et de séquestration pour le savoir d'abord !)
Ensuite je lui ai dit que j'étais parfois en fauteuil, il m'a demandé si c'était vraiment nécessaire.
(Ha ben non c'est le kit avec la nutrition... Mais vous pensez bien... c'est inutile !) Il m'a demandé combien de fois par mois environ je l'utilisais. (J'ai eu envie de lui demander combien de fois par mois il prenait sa voiture, juste pour voir s'il comptait ou pas... Et s'il avait une trottinette, (ou un vélo), et de me faire un ratio marche/vélo/ trottinette...)
Une fois tout ça passé, il m'a proposé d'essayer de nouveau un traitement que j'ai déjà essayé sans succès (mais que j'étais libre de refuser), qu'on pouvait tenter la réflexologie plantaire (mais que j'étais libre de refuser) et il m'a dit qu'il connaissait la direction mais que c'était à moi de lui montrer le chemin. (J'ai failli verser ma larme... Nan je déconne !)
En me regardant noter mes rendez-vous il m'a dit : "Vous êtes gauchère ?"(et il l'a noté...)
J'ai eu peur qu'il me demande "pourquoi vous êtes gauchère ?" Mais non finalement... Parce que je lui ai dit que j'étais devenue ambidextre par la force des choses. (Mais bon je suis quand même gauchère et fière de l'être attention hein !)
Je me sens mauvaise patiente parce que j'ai l'impression que finalement aucune solution nouvelle ne sera amenée. J'ai l'impression d'avoir des choses que je ne devrais pas avoir (la nutrition, le fauteuil) comme si c'était moi qui avait fait l'aumône pour les avoir et que ce n'était pas justifié.
Je me sens mauvaise patiente parce qu'au fond à part quelques maladresses il n'était pas si terrible ce médecin. Il a été a certains moments gentil, il m'a laissé le choix de dire oui ou non à ce qui me proposait, il m'a dit qu'il voulait que je sois dans un espace de confiance, que je me sente libre de m'énerver si besoin, de dire si les choses n'allaient pas. (Je crois qu'en fait la porte était ouverte... J'étais pas vraiment séquestrée !)
Je me sens mauvaise patiente parce que j'ai l'impression d'être arrivée au bout du chemin, et de me prendre un mur encore et encore... Parce que je sais qu'il n'y a rien à faire, que beaucoup de choses ont été tentées. Que ce n'est pas de leur faute si je ne supporte pas les médicaments (enfin ça, ça l'a pas dérangé car il n'était visiblement pas pour les médicaments...). Je me sens mauvaise patiente de ne plus espérer de solution, là où les autres espèrent encore.
Je me sens mauvaise patiente parce qu'une fois de plus je doute : est-ce que j'ai vraiment besoin du fauteuil ? Est-ce que j'ai vraiment besoin de la nutrition ? Est-ce que c'est moi qui en rajoute ?
Mais en même temps comment je pourrais faire autrement ?
Je me sens mauvaise patiente parce que j'ai l'impression que les propositions de la médecine ne me correspondent pas, alors qu'elles conviennent à d'autres. Je me sens mauvaise patiente parce que j'ai l'impression que le fait que je sois résolu à ce qu'aucune solution n'existe, est pris pour du défaitisme. (Alors que c'est juste un fait, une vérité... Je ne suis pas défaitiste, je suis réaliste. Ca n'empêche pas d'avoir de l'espoir qu'un jour par miracle (et par recherches) il y ait d'autres solutions, mais pour le moment c'est un fait ... C'est comme ça).
Bref, il y a une époque fort fort lointaine... j'arrivais encore à me déguiser en bonne malade...
Et puis je me suis rendue compte que je pouvais être ambidextre, c'est pas d'ma faute !
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