"La douleur n'est pas une traversée du désert, ne restez pas seul !"
Si vous êtes un habitué (ou pas) de l'hôpital peut être avez-vous déjà croisée cette affiche, sur laquelle sont illustrés des chameaux (ou dromadaires, là n'est pas la question...) gambadant joyeusement dans une étendue de sable (un désert quoi !) avec ben...rien autour.
Et le "rien" est plutôt bien choisi, parce que dans mon cas, il illustre parfaitement les compétences médicales face à ma douleur. Je vais être égoïste (une fois de plus) et rester bien centrée sur ma petite personne. La douleur tout le monde le dit c'est subjectif. J'ai mis longtemps à comprendre à quoi servait ces fameuses petites échelles graduées de 1 à10 et servant à indiquer au corps médical "oh combien j'avais bobo". Je me disais que ça ne servait à rien, que peut-être que mon 5 à moi c'était le 3 de mon voisin et vice-versa. (Je vous l'accorde hors contexte, cette phrase ne veut absolument rien dire). Et puis un jour j'ai compris (La révélation !!!). En fait, on s'en fichait de savoir si j'avais mal à 2 ou à 8, du moins, ce résultat ne serait pas comparé à mon voisin. (Fini l'école et les moyennes de classe). Non ce qu'on voulait savoir c'était si par rapport à mon échelle à moi, j'avais déjà vécue pire douleur ou non. Et je sais qu'on réajuste sa façon de voir. Je pense que ma tolérance maximale (donc le 10 de leur petit bout de carton !) d'il y a quelques années, n'était pas la même qu'aujourd'hui. Noooon pas du tout même ! Parce qu'aujourd'hui je sais qu'on peut souffrir toujours plus ! (Toujours plus haut, toujours plus fort !) Quand on souffre, on se pose rarement la question de savoir si on peut souffrir encore plus. Et c'est bien normal ! Imaginez le truc, vous tondez le gazon tranquilou le dimanche matin, sous le gazouillis merveilleux des mésanges et autres rouges-gorges (en vrai vous entendrez surtout les tourterelles, pigeons et moineaux mais c'est moins flatteur)... Et là enivré par ce moment terriblement bucolique PAF ! Vous vous hachez le pied menu menu... A part si votre vie est un manque de bol monstrueux, on peut espérer pour vous que vous n'ayez jamais eu aussi mal de votre vie. Et bam, votre nouveau 10 est arrivé ! (Et très honnêtement à ce moment là, ça m'étonnerait assez que vous vous demandiez quelle chose encore plus horrible pourrait vous arriver et donc pourrait vous faire souffrir plus atrocement). De la douleur insoutenable de la pince à épilée vous arrachant votre poil de sourcil (votre ancien 10), vous découvrez un nouveau niveau. (C'est un peu comme dans Mario, chaque nouvelle porte est une aventure !)
Ben moi j'en étais là, je me disais à chaque nouveauté imposée par mon petit corps fragile, que je ne pouvais pas me faire auto-souffrir plus. (Oui parce que la nuance est importante, je n'ai pas besoin d'un élément extérieur pour avoir mal, non mon côté sado entre en jeu. C'est donc mon propre corps qui décide de se faire souffir lui-même, tout seul comme un grand !)
Je me souviens d'un jour, où ayant une envie fracassante de tuer mes côtes. (Alors là ça mérite une explication. Parfois, lorsque la douleur est trop forte, j'en viens à dissocier les parties de mon corps. J'ai donc des envies de meurtre. Sans être psy, je pense que c'est le seul moyen qu' à trouver mon cerveau pour ne pas disjoncter complètement. Ce n'est pas moi qui me fait souffrir, non non, c'est le bras (cet abruti), les côtes (ces connasses), le ventre (ce fils de... Hum hum pardon !). Donc reprenons. Ce jour où j'avais envie de tuer mes côtes, Môssieur Briochette me dit :
"Tu as mal à combien là ? " (Oui je l'ai trop souvent emmené à l'hôpital avec moi, maintenant il fait tout pareil qu'eux !)
Lèvres tremblantes et yeux salés je lui répond " Je sais pas 10, 11.... J'en peux plus"
Et là, ce moment de grande grâce, il m'a regardé et m'a dit : "Non, tu peux pas dire ça !"
Euh... What ? Ah si si je t'assure mon gars, je vais crever là ! .... En vrai j'ai répondu : "Ben si ! Tu peux pas savoir toi !"
Et il m'a dit : "Non, imagines tu as la même douleur que là maintenant, mais tu te fais rouler dessus par un camion !"
"..."
"Ben tu auras encore plus mal, donc tu peux pas dire que tu es à 10... Laisses toi une marge !"
C'est pas faux ! (Amateur de Kaamelott Bonjour !). Depuis je ne dis plus jamais que j'ai mal à 10. (Même si je viens de vous expliquer que le 10 peut bouger) Je me laisse une marge car je sais combien il nous est impossible d'imaginer la pire douleur qui soit, puisque quand on souffre, c'est celle que l'on ressent qui est la pire qui soit. (Vous suivez toujours ?).
La douleur ça épuise, physiquement, nerveusement. Il y a quelques années, j'avais vu une fille qui avait la même maladie que moi en plein combat pour avoir le droit à l'euthanasie. A l'époque je ne comprenais vraiment, mais alors vraiment pas pourquoi elle disait ça. Ok ça fait un peu mal mais bon c'est pas non plus... Ok c'est un peu handicapant mais bon c'est pas non plus...
Aujourd'hui j'ai évolué sur la question. (Bon alors là ça va être le moment triste pour les gens qui me connaissent alors si vous voulez arrêter et reprendre plus loin c'est votre plus grand droit, mais moi j'ai besoin de me vider un peu.)
J'ai prévenu attention hein ! (si vous voulez je vous mets une couleur différente à partir de là où vous pouvez reprendre sans que ça vous attriste)
C'est un sujet compliqué et difficile à aborder.
La plupart des biens-portants diront "Ah mais nan, mais penser ça c'est que tu es en pleine dépression" et je comprends parce que je pensais pareil avant...
Avant que la douleur n'empiète trop sur mon territoire.
J'aime la vie, j'aime les plaisirs qu'elle apporte, j'aime ma famille, mon homme, mes amis, mon lapin. J'aime regarder le soleil se lever ou se coucher, j'aime sentir l'odeur de l'automne (oui l'automne à une odeur, l'hiver, l'été et le printemps aussi d'ailleurs), j'aime me balader, jouer, rire, chanter, pâtisser, peindre. J'aime réfléchir, écrire, travailler.
Mais très honnêtement la perspective de vivre jusqu'à 70 ans dans MON ETAT ACTUEL, ne me fait aucunement rêver. Je n'ai pas envie de mourir, mais je ne veux pas vivre comme ça toute ma vie. C'est subtile mais important quand même. On sait tous que quand on vieillit, les douleurs articulaires augmentent, que les problèmes de santé peuvent se multiplier ben... Merci bien ! J'ai 26 ans, et ces journées à rallonge où je me tords de douleurs, je n'ai pas envie de les vivre démultipliées encore et encore. Si la médecine trouve une solution (je ne parle même pas de traitements pour être soignée, mais juste être soulagée) alors ça me va complètement, et là oui j'aurais sûrement envie de mener une vie bien remplie et la plus longue possible.
Parce qu'actuellement la traversée du désert je me la tape toute seule. La médecine impuissante certes ! Mais il ne cherche pas plus... "Vous avez mal ? Oh ben oui mais on a essayé tout ce qu'on avait nous... Fumez donc du cannabis, vous avez essayé ?"
Non je n'ai pas essayé, parce qu'actuellement c'est illégal. Parce que même si ça devient banal et que pour vous tous les jeunes en fument, et bien non je n'y ai jamais touché. Et je n'ai pas envie de le faire seule. Les médicaments légaux m'ont mis dans de tels états (Dépendance, accoutumance, effets secondaires), que je ne prendrai pas le risque de me faire un mauvais trip seule dans mon coin. Pourtant... Pourtant hier j'ai tellement souffert (j'ai repoussé mon 10 encore plus haut !) que je n'avais qu'une envie qu'on me deal quelque chose... N'importe quoi pourvu que ça s'arrête, même 15 minutes.
Alors est-ce normal en 2016 d'être capable de greffer des visages, des coeurs, des poumons... et d'être incapable de soulager la douleur ? Est-ce normal en 2016 de laisser souffrir les gens sous prétexte qu'on ne sait pas quoi faire ? La suisse et d'autres pays limitrophes utilisent des substances (types sprays de cannabis), alors pourquoi en France on ne fait rien pour essayer d'encadrer et légaliser ces traitements ? Parce que oui pour moi fumer en toute illégalité, et prendre un spray médical et encadré ça ne résonne pas pareil ! Et surtout les effets peuvent être différents car les dosages différents.
Pourquoi en 2016, l'opinion publique est choquée lorsqu'on dit qu'on n'a pas envie de vivre trop vieux dans un état de douleur permanent alors qu'en même temps elle dit que la douleur n'est pas une fatalité ?
De mon côté et pour le moment la douleur est une fatalité. Et avec tous les efforts du monde, je ne peux strictement rien y faire. M'allonger, pleurer un bon coup et attendre que ça passe... mais est-ce que c'est vraiment ça profiter de sa vie ?Je n'en suis pas convaincue... Et je ne suis pas seule à penser comme ça, mais j'ose le dire aujourd'hui. Les douleurs chroniques sont encore mal connues, mal comprises.
La douleur peut être soudaine et elle est souvent passagère (c'était là le moment où vous pouviez reprendre ! le vert, l'espoir toussa toussa !) et heureusement. Le problème c'est qu'on ne peut pas traiter la douleur d'un coup de tondeuse raté comme la douleur chronique... c'est impossible ! Et on ne peut pas comparer non plus une douleur passagère à une douleur sur le long terme. Si vous qui me lisez vous avez la chance de ne pas souffrir, alors essayez d'imaginer votre pire douleur (même si c'est celle de la pince à épilée, on s'en fiche puisque c'est votre ressenti à vous qui compte), et de la diffuser en continue, sur toute votre journée, pendant des mois et des mois.
Je ne sais plus ce que ça fait de ne pas avoir mal du tout. Mon cerveau a oublié cet état de bien être et est en alerte permanente. Plus ou moins fortement certes... C'est un article sûrement moins drôle que les derniers, mais je veux que mon blog soit aussi une trace de ce que peut être la maladie au quotidien, et des sujets sur lesquels nous pouvons échanger entre "malades" sans jamais vraiment en parler au "grand public".
C'est pô facile de terminer cet article, je voudrais qu'on se quitte (jusqu'à la prochaine fois hein) bons amis et sur quelque chose de léger mais c'est pas simple. Souvenez-vous juste qu'en règle général, la douleur est l'alerte de quelque chose qui ne va pas et cette petite blagounette le prouve :
C'est un gars qui arrive chez le médecin et lui dit "Oh là là docteur j'ai mal à l'oeil gauche".
Le médecin lui dit : "Comment vous vous êtes fait ça ?"
"Je ne comprends pas, je bois tranquillement mon café et soudain ça ne manque pas, je ressens une violente douleur à l'oeil gauche."
Le doc lui répond " C'est vraiment bizarre... je ne vois pas... Ecoutez buvez un café devant moi et on verra bien"
Le gars obtempère et bien sûr "Ouille, ouille vous voyez bien docteur"
Le docteur rétorque : "Ah oui je vois bien... Ben je vous conseille simplement d'enlever la cuillère de la tasse quand vous buvez votre café"...
Moralité si vraiment vous traversez le désert seul, arrêtez le café ça peut peut-être aider !
Voilà, voilà !