J'avais promis une suite des péripéties médicales (et ça arrive c'est promis)... mais pas aujourd'hui.
Aujourd'hui c'est un petit billet d'humeur, un de ceux que j'aime écrire quand ma tête est trop pleine et mon cœur trop lourd... C'est le petit billet pas vraiment drôle (voir pas drôle du tout), le petit billet perso où je pose des mots sur les maux du quotidien, le petit billet qui fait parfois écho à vos histoires, à votre vie, le petit billet qui montre que l'on n'est pas seul et que l'on vit (parfois) les mêmes étapes...
Aujourd'hui j'ai envie d'aborder un sujet sensible : la maladie et le couple. (Gros morceau hein !)
Il n'y a pas de vérités, pas de conseils, pas de "ça devrait être comme ci, pourquoi tu n'as pas fait comme ça", pas de règles absolues (pas de règles tout court d'ailleurs).
On a nos pensées, qui évoluent avec notre vécu.
J'ai eu une vision du couple et de l'amour pendant 12 ans... J'en ai une toute autre aujourd'hui. L'ingrédient magique et révélateur de cette transformation (attention gros scoop ) : la RUPTURE. (Vous n'avez pas besoin d'être malade pour comprendre ça, même sans contrainte de santé, en général la rupture ça vous change un être).
Je suis tombée amoureuse à 16 ans. A l'époque j'étais déjà malade, mais loiiiiiin d'imaginer ce qui m'arriverait plus tard. Ça se résumait à des douleurs, des rendez-vous médicaux par ci par là, des attelles... Bref, rien de super flippant ! (même si contraignant)
A 18 ans, je découvre la vie commune. Globalement pas de soucis majeurs jusqu'à l'apparition du fauteuil roulant. On ne va pas se le cacher, ça nous a mis un coup (qui aurait pu signer la fin de l'histoire). Finalement, après quelques frayeurs, l'obstacle est dépassé...
Nous étions un couple plutôt serein, avec une bonne entente, peu de conflits... bref peu d'inquiétudes quant à l'avenir.
En 2015, l'entrée de la nutrition dans notre quotidien. Pour sa part, un investissement assez rapide et une demande de se former pour pouvoir me seconder. Les moments d"hospitalisation sont les plus durs, pour lui depuis nos débuts : une peur de l'hôpital, des perfusions (c'est ballot) et pour moi cette culpabilité tenace d'imposer une vie "anormale" à mes proches.
La culpabilité...
Coupable de ne pas pouvoir faire comme tout le monde,
Coupable d'être parfois diminuée,
Coupable de souffrir,
Coupable de pleurer,
Coupable d'avoir tellement mal que le mental ne suit plus,
Coupable d'être fatiguée,
Coupable de ne pas pouvoir aller au restaurant,
Coupable de ne pas pouvoir travailler...
Coupable d'être de mauvaise humeur,
Coupable du manque de patience parce que la douleur m'use,
Coupable d'imposer tout ça à des gens qui pourraient ne pas subir...
Je porte mes craintes et mes angoisses.
Je veux être forte et souriante avec le monde... Mon seul espace de relâche c'est chez moi, dans ma bulle, avec mes plus proches.
Je craque, je craque de ne pas pouvoir mener la vie que je souhaite, de ne pas réussir comme je le voudrais. Je craque d'essayer de tout donner et d'être sans cesse freiner par un corps qui ne me suit pas. Je craque de cette souffrance quotidienne qui me ronge. Je craque de ce caractère que je prends quand rien ne va.
Lui, est là. Il prend tout dans la face et me soutient. Il me réconforte et ne dit rien. En apparence, tout va bien. On s'aime, il fait face, je fais face, notre couple est une force.
Je doute de moi, mais jamais de lui. Il est un pilier, il ne cédera pas.
Il est là, il a toujours été là, il sera toujours là.
Et puis un jour, sans prévenir, tout éclate.
Cette phrase : "J'ai peur de t'en vouloir un jour, je ne supporte plus la maladie".
Tout vacille, tout s'écroule. Rien n'est immuable. Rien n'est sûr.
Le pilier s'est effrité et je ne l'ai pas vu.
Au delà de la perte d'un être que l'on aime, c'est toute une remise en question qui émerge.
Avant j'étais persuadée que l'amour d'une vie existait. Avant, je pensais que la maladie ne séparait pas les couples, que "si on aime, on surpasse tout". Avant, je pensais que mon caractère, mon humour, suffisait à être aimée et suffisait à ce qu'on reste avec moi. Avant, je pensais qu'on pouvait tout dire à ses proches, et qu'il n'y avait aucun tabou.
Aujourd'hui je pense que tout ça, c'est faux : on ne peut pas tout dire. Il y a des choses qu'il vaut mieux taire et garder pour soi (ou les confier à des personnes tiers).
L'amour ne suffit pas à tout dépasser. Ça aide, oui mais ça ne fait pas tout.
J'ai changé. Je ne suis pas quelqu'un qui me plaint beaucoup (enfin je ne crois pas). Les douleurs sont quotidiennes, mais je ne le dis plus. Lorsque je dis que ça ne va pas, c'est que ça ne va vraiment plus.
Aujourd'hui, j'ai appris que rien n'est acquis et que tout peut s'écrouler... mais que l'on peut reconstruire autrement. Ça prend du temps, ça blesse, ça chamboule, mais tout peut être transformé.
Après de longues relations (ou même des relations courtes mais intenses), j'entends souvent dire : "c'est fini, je ne pourrais plus jamais aimer personne". (J'ai été la première à me le dire, avec sa variante "personne ne m'aimera jamais" )
C'est faux.
Vous aimerez peut être différemment (et parfois ce n'est pas plus mal...) mais on aime toujours de nouveau. Le coeur se répare, il garde des faiblesses mais ce sont ces faiblesses qui permettent de ne pas refaire les mêmes erreurs.
La maladie est un obstacle supplémentaire, une fragilité, la goutte d'eau... Dans une séparation il n'y a pas de coupables... Juste deux personnes qui ne fonctionnent plus ensemble mais il y a toujours un après.
1 an et demi après, je n'ai pas encore toutes les clés pour comprendre ce qui s'est passé. C'est passé et c'est tout. Je ne saurais jamais si la maladie était réellement la cause profonde, ou si elle n'a été qu'un déclencheur. Et dans le fond, qu'est-ce que ça change ?
Si c'était à refaire, je sais ce que j'essayerais de transformer et c'est là l'essentiel.
Ces transformations, je les projette dans ma nouvelle vie, dans mon nouveau couple, parce que oui, aujourd'hui, je suis de nouveau en couple. Bien sûr, au fond de moi j'ai peur. On ne se prend pas un camion en pleine face, sans séquelles. Bien sûr je me protège beaucoup plus, et j'ai installé des barrières qui n'existaient pas avant. Les premières hospitalisations ont été un calvaire mentalement. J'avais peur de l'abandon, peur d'être trop malade, peur qu'il ne supporte pas : j'ai ravalé tout ça.
La culpabilité est encore là, on ne peut pas vaincre tous ses démons. Mais je deal avec moi-même en me serinant que la peur n'évite pas le danger.
Si un jour on doit se séparer à cause de ça, alors je gérerais le moment venu mais je ne veux pas détruire mon couple à cause de mes craintes. (Ca arrive plus vite qu'on ne le pense...)
Alors je profite de chaque jour, chaque moment. Je construits petit à petit, je m'engage pas à pas. Je clive mes pensées, j'essaye de ne pas tout mélanger.
On apprend à se connaitre, on découvre nos faiblesses, nos limites, nos soutiens, nos points forts.
On apprend à construire des fondations solides et plutôt qu'un pilier, on construira une arche, à deux.
On apprend à faire couple...
Tout simplement.