dimanche 30 avril 2017

“Sur l’apparence est bien fou qui se fonde.”



Nous sommes samedi soir, ou plutôt dimanche matin (il est 2h... Ouais j'écris la nuit moi je suis comme ça, je sors mon autre identité, mon moi intime quand le soleil est couché et que tout le monde dort paisiblement. Ca doit avoir un rapport avec ma vie de vampire...) et je m'interroge. (Le début de la phrase est loin mais en gros ça donnait : Nous sommes dimanche matin et je m'interroge... OUI effectivement j'aurais pu y aller direct, mais avouez que c'était moins drôle !)

Je m'interroge sur ce qui nous caractérise, sur les signes extérieurs qui font que nous sommes une personne ou une autre, sur les jugements que peuvent amener ces mêmes signes extérieurs. (Vous avez 4 heures, bon courage !)
En plus clair, (parce que je vois bien que je vous ai déjà perdu) : Qu'est-ce qui constitue notre identité aux yeux des autres ?

Depuis petit on nous apprend qu'il ne faut pas s'adresser à un adulte en costume-cravate de la même manière que nous nous adresserions à un enfant de notre âge.
Pourquoi ? Question de politesse et de respect de l'être ainé ? Le costume-cravate a t-il son importance ? Est-ce que l'on doit s'adresser différemment à un adulte en costard, qu'à un adulte en blouse blanche ou en bleu de travail ?
Je ne me souviens pas que l'on m’aie demandé de telles distinctions.
  La consigne était claire : si tu t'adresses à quelqu'un de plus âgé, tu vouvoies. Si tu t'adresses à quelqu'un quel qu'il soit, tu es respectueuse et polie.

Voilà, c'était tout.

J'avais une profonde admiration pour certains de mes maîtres et maitresses à qui je disais "tu". Et j'ai appris que le tutoiement n'était alors pas toujours une marque d'irrespect. 
Et puis à la fin du CM2 on nous prévient que désormais nous devrons vouvoyer nos profs et leur dire Monsieur et Madame. Ce n'est pas simple de comprendre pourquoi des personnes ayant le même métier passe à un statut différent... Et je me rappelle que la plus grosse crainte que nous avions en 6e était d'appeler un "prof", "maitre". (Non en vrai la plus grosse bourde c'était de dire "Papa" ou "maman" à un prof, là c'était compliqué. Bon si on entrait dans la psycho de bas étages on pourrait dire qu'on faisait des transferts et tout le blabla... En vrai c'est juste que quand on a 11 ans les mots qu'on dit le plus quand on veut quelque chose c'est ... c'est ? ... Oui papa et maman effectivement !) 

Bref on s'égare !

Je ne sais pas à quel âge on doit absolument vouvoyer le monde des adultes, je ne sais pas à quel âge on perd l'innocence de l'enfant qui pense que tout le monde est pareil et qu'il n'y a pas de distinction à faire entre la caissière du supermarché, le médecin de famille ou le président ! Mais ce qui est certain, c'est que nous sommes en tant qu'adultes aujourd'hui, absolument tous capables de savoir si notre manière de nous adresser à l'autre est appropriée, familière ou irrespectueuse. (Enfin normalement...En globalité quoi... Bah si ça ne vous viendrait pas à l'idée d'entrer à l’Élysée et de balancer : Hey François ça va ? Et julie ? Le scooter... ) (On peut se permettre cette digression parce que de 1) la politique en ce moment c'est LE sujet d'actu, petit 2) François a bientôt terminé son CDD alors il doit être un peu plus détendu sur la question, petit 3) Y a quand même peu de chances qu'il tombe un jour sur cet article). Breeeeef... Revenons à nos moutons.

L'exemple du costume-cravate n'était pas innocent. Je voulais entrer dans le cliché pour que vous ayez tous en tête l'image du trader, travailleur et propre sur lui. (Oui vous pouvez aussi imaginer le costard en fin de soirée arrosée, avec la cravate débraillée et le vomi sur le coin de la chemise... Mais c'est moins classe).
Si maintenant on remplace ce costume par un autre objet... Au hasard... Hum... Un fauteuil roulant ! (Je vous rappelle l'objet de mon blog ?) Allez vous la sentez venir la croustillante anecdote. Bon ok, je vous raconte  (mais c'est bien parce que c'est vous !)

J'ai passé quelques jours difficiles. Douleurs et fatigue au top niveau. (C'est pas pour me plaindre, c'est pour planter le décor).
Vendredi, j'avais besoin de sortir pour me rendre à la poste et à la pharmacie. (Que ma vie est palpitante) Sous la contrainte et poussée par les obligations, je chevauche mon fauteuil électrique et décide d'affronter le monde, ô combien sauvage et pénétrant, de la vie urbaine. (C'est beau hein ces envolées lyriques !)

Ayant accompli mon œuvre (c'est à dire poster mon arrêt de travail), je m'apprête à rentrer chez moi tout en téléphonant.

 En me dirigeant vers la sortie, j'aperçois une dame d'une soixantaine d'années,  boitant légèrement, tout en ayant les lèvres repulpées par la chirurgie esthétique. (Ceci n'est pas une information capitale, il est vrai... Mais le détail peut favoriser et stimuler votre imagination... Elle avait les cheveux teints couleur marron...C'est pour vous aider que je dis ça...Moi je m'en fiche hein je l'ai vu la dame !)

Je la laisse naturellement passer. (Rapport à ce qu'on a dit plus haut : la politesse, la courtoisie et le respect des ainés...).

C'est alors qu'elle se plante devant mon fauteuil, me regarde et lance :

"Vous avez de la chance d'être véhiculée hein, moi avec mes vertèbres c'est pas facile".
Je marmonne alors un "hum"...
La dame enchaine : " Ah c'est pas facile pour moi... Vous avez eu un accident ?'
Moi : "Non j'ai une maladie"
Ma mère : "Hein quoi ?" (Oui j'avais dit que j'étais au téléphone. N'ayant pas pu lui dire que quelqu'un me parlait (ce fut soudain), la pauvre ne comprenait pas non plus pourquoi je lui répondais ça alors qu'on échangeait sur un tout autre sujet)
Moi : "Attends y a une dame qui me parle..."
Ma mère : "Hein quoi ?"...
...
(Comment ? Pas toute la  conversation ? ok... Moi j'essaye juste de faire preuve de clarté... )

Bref la dame m'a demandé ce que j'avais.
Moi j'étais énervée parce que fatiguée, douloureuse et puis parce que FLUTE et REFLUTE à la fin. Du coup j'ai pas répondu, j'ai fait mine de ne pas l'entendre et j'ai essayé d'avancer sans l'écraser mais pour qu'elle se pousse.
Elle a continué de me parler alors que je n'étais déjà plus là.

Alors voilà j'en suis là avec mon costume-cravate-fauteuil. 
Clairement je sais que si j'avais été bien portante, sans signe extérieur de déficience, personne ne serait venu me demander si j'avais une maladie, un accident, ou la chance de pouvoir marcher. PERSONNE.

Avec le fauteuil, en quelques jours, on m'a déjà demandé 3 fois si j'avais une maladie, une sclérose en plaque ou eu un accident. On s'est permis de me tutoyer là où jamais on ne l'aurait fait si j'avais été valide. Je peux le dire, j'expérimente les deux au quotidien.

Alors je repose la question, qu'est-ce qui fait qu'avec l'apparition d'un signe extérieur de déficience, on se permette des choses qu'on ne ferait pas "avec le commun des mortel" ? Est-ce que ce signe là signifierait une faiblesse de ma part ? Une aptitude moindre à un être une adulte "accomplie" ? La visibilité d'une déficience veut-elle dire qu'on est plus "faible" ? La faiblesse entrainant une sorte de maternage excessif ? Comme s'il n'existait plus aucun filtre...

Parfois quand je suis en fauteuil et que je suis avec quelqu'un d'autre on ne s'adresse pas à moi directement, on donne le ticket de caisse à la personne qui m'accompagne alors que c'est moi qui ai payé. On pose la question à mon accompagnateur au lieu de me demander directement quelle taille je fais ou si je préfère le rouge ou le bleu. On dit "elle" devant moi. On sur-articule. On me tutoie. On me demande si j'ai une sexualité entre deux portes d'ascenseur... (Si si, rappelez vous ici. Euh petite précision pour les plus vicieux d'entre vous, c'est la question qu'on me pose entre deux portes d'ascenseur... Pas si j'ai "une sexualité entre deux portes d'ascenseur"... Là ça deviendrait complètement tordu !)

Je reste persuadée qu'il y a des "tu respecteux" et des "vous irrespecteux", et que la politesse n'entre pas toujours en jeu dans le vouvoiement. Mais je dois avouer que ça me gêne de voir qu'en fauteuil ou debout je n'ai pas les mêmes traitements. J'aimerais qu'on me traite toujours de manière semblable. Je ne mérite pas d'être traitée en présidente lorsque je suis debout, et tel un enfant une fois en fauteuil.
Car au final, une fois assise j'ai cette sensation désagréable d'être infantilisée. Et de me retrouver comme lorsque j'avais 5 ans, et que le moindre inconnu s'adressait à moi en disant "Oh elle est mignonne, elle a quel âge ? Et qu'est-ce qu'elle a sur la joue ? Une vilaine griffure de chat ?" (Non en vrai c'était un coup de hache mais bon ça c'est un autre sujet...Comprendront qui auront les références mais c'est une histoire vraie) Parce que si je me permets de m'adresser à vous, comme vous vous adressez à moi, de m'immiscer dans votre sphère intime qu'est-ce que vous diriez vraiment ? Est-ce que ça choquerait, si dans le métro je m'approchais de n'importe qui en disant : infection urinaire ? Je connais... C'est pas facile... Elle veut un conseil ?
Parce que la finalité (en caricaturant à peine) est la même dans mon esprit...

Et du coup si je m'habille en tailleur, talons dans mon fauteuil ? Ca annule ?  (C'est juste pour savoir...)

mardi 4 avril 2017

Le jour où je me suis souvenue que j'étais handicapée !





Je sais que vous avez eu un peu de lecture cette semaine mais je ne peux pas ne pas vous raconter (c'est pas facile comme phrase, mais on est en fin de journée, début de soirée, et j'ai le débat politique (mais c'est pas moi que ça intéresse) en fond sonore alors je suis sûre que vous me pardonnerez...) les quelques jours qui viennent de s'écouler. 

En ce moment mes genoux ne sont pas coopératifs. (C'est leur droit mais bon moi en attendant, ça ne me simplifie pas la tâche). Du coup mon ami le fauteuil est de retour ! Et j'avais oublié Ö combien c'est fatiguant d'être en fauteuil. Alors je vous emmène dans mon petit monde à roulettes. 

Jeudi :

Comme tout un chacun j'ai besoin (parfois) de faire des courses. Oui ce n'est pas palpitant mais nécessaire. Je me rends donc dans mon magasin de proximité pour effectuer cette tâche ingrate. Je n'achète que quelques bricoles, en sachant que les grosses courses se réaliseront deux jours plus tard en compagnie de môssieur Clochette.

Alors je vais passer sur le côté non pratique des rayons et sur ce choix stratégique de placer les meilleurs aliments (en tous cas ceux dont j'avais besoin ) derrière un poteau... Mais pourquoi tant de haine ? Est-ce que vous trouviez trop facile de nous obliger à faire des créneaux pour atteindre certains rayons, qu'en prime vous avez eu une folle envie d'ajouter des obstacles ? Mon choix se restreignait de plus en plus, puisque les rayons les plus en hauteur et ceux les plus bas m'étaient inaccessibles. (Il y a une étude qui dit que le consommateur préfère les produits au centre des rayons... Mais on fausse les résultats là non ?)

Bref ! Mes roues et moi, on a décidé qu'il était grand temps de se rendre à la caisse. J'ai opté pour la caisse prioritaire non pas pour y passer plus rapidement mais surtout parce que ces dernières sont plus basses et plus larges que leurs voisines.
Je me place derrière deux personnes. Le monsieur devant moi me demande gentiment si je souhaite passer, je réponds par la négative et le remercie. Il insiste, je fais de même toujours très poliment. (J'ai pas de jambes toujours fonctionnelles mais il m'arrive d'avoir une opinion, un avis et du caractère). 
Soudain (Attention élément perturbateur, comme quand on était petit !) la caissière m'aperçoit. 
Elle me lance : (Oui bon ben vous avez l'habitude maintenant, vous le sentez venir le dialogue n'est-ce pas)
- Venez ! 
-  Non merci c'est gentil, le monsieur m'a proposé.
- Si venez ! 
- Non vraiment, c'est très gentil mais le monsieur n'a que deux articles, ça va aller, vraiment vraiment. (Oui j'ai dit autant de "vraiment" mais je le pensais alors bon...)
- Mais ! Vous êtes prioritaire ! 
- Oui je sais, mais ça va là. (Et si on pouvait passer à autre chose parce que ça me gêne qu'on fixe l'attention sur moi alors que je n'avais rien demandé à personne, et puis aussi parce qu'au final tout le monde aurait déjà été encaissé si on ne tergiversait pas depuis 5 minutes...)
- Mais enfin ! Je vous dis que vous êtes prioritaire alors venez ! 
J'ai craqué... J'ai essayé de résister poliment mais là ça commençait à me courir alors j'ai répondu :
- Etre prioritaire ne veut pas dire être obligée. Si je vous dis que ça va c'est que ça va, c'est très bien de faire attention aux priorités mais c'est bien aussi de respecter mon choix... 

Le monsieur devant moi a rigolé, la caissière a grommelé et elle a finalement abdiqué. 
Je ne suis pas super fière d'avoir formulée cette réponse mais ma patience est (aussi) limitée. La priorité j'en ai besoin quand je suis débout justement et qu'on ne le voit pas. Et ces fois là personne n'insiste pour me laisser passer (au contraire même). Et je déteste qu'on me force la main. Etre attentif c'est très bien, proposer aussi, mais qu'on m'oblige à prendre une priorité non. Ce n'est pas comme ça que ça doit fonctionner. Non je n'ai pas envie que vous preniez mes courses dans le panier sans me demander pour les placer sur le tapis parce que vous avez l'impression de me rendre service (oui c'est arrivé aussi cette semaine), non je n'ai pas envie de passer devant tout le monde si je sens que je peux tenir encore largement sur mon fauteuil.

Alors la caissière elle n'a pas dû super bien le prendre parce que mes articles elle n'a rien fait pour qu'ils descendent jusqu'à moi après, au contraire même. Une petite revanche sûrement ? Tant pis... 

Vendredi : 

Direction une boulangerie de quartier non accessible mais pour laquelle j'avais repéré une sonnette spéciale... Une pour L' "handicapé" qui veut appeler une "rampe"depuis l'extérieur. Je décide de tenter, enfin un commerce qui vise l'accessibilité et ça, ça fait plaisir. Fébrile, j'appuie. Rien. Je retente. Rien. Seule sur le trottoir j'attends.
Finalement la vendeuse (que j'aperçois) demande au client devant moi (mais lui était dans la boutique) de me demander ce que je veux. Le Monsieur fort sympathique commence son travail d'intermédiaire. 
- Mademoiselle, vous voulez quoi ? 
- Euh une baguette... Blanche s'il vous plait.
- (A la vendeuse) Elle veut une baguette... Bien cuite ! 
- Haha ! (La bonne blague, ah non non par contre c'était sérieux ?) Non non blanche !
- Ha pardon, elle a dit blanche la baguette. 
La vendeuse : Ok, elle veut autre chose ?
Le client :  Vous voulez autre chose ?
Moi: Euh... Non.
Le client : Non ! 
La vendeuse : 90 centimes ! 
Le client : 90 centimes ! 

Un vaudeville n'aurait pas été plus comique ! J'ai donc payé au client qui a été donner ma monnaie et qui m'a ramené ma baguette. Ils font des rampes superbes maintenant, ça ressemble vachement à un humain ! C'est bien ça a un côté plus... plus...

Oh puis je ne sais pas moi; que voulez vous que je vous dise si on en est encore là ?

Samedi matin : 

Avec môssieur Clochette on décide d'aller faire un peu de shopping. Direction un gros centre commercial. Nous arrivons dans une enseigne de vêtements sur deux étages. Pas d'ascenseur mais un élévateur (ce n'est pas la panacée mais c'est déjà très bien). Malheureusement ce dernier était inaccessible car un portant bloquait son entrée (je suis gentille j'ai fait une photo d'illustration).

 

 Alors oui, j'aurais pu demander si on pouvait décaler les vêtements pour que je puisse accéder.(Ou même m'en charger directement). Mais à dire vrai je ne suis pas certaine qu'il était en état de fonctionner car la porte était entrebâillée, et pour marcher (Haha, elle a dit "marcher" Marcel t'as vu ! En parlant d'un monte-charge pour des gens qui ne peuvent pas haha ! T'as vu Marcel ? ) ces petits bijoux de technologie attendent une aide humaine (en gros il faut rester appuyé sur un bouton tout le long de la montée et de la descente sans quoi vous restez pitoyablement arrêté en plein milieu... ce qui n'est pas franchement pratique ).

J'ai donc trouvé ça plus drôle de me poster au dessus des escaliers et d'attendre... Juste pour voir ! En tout 5 vendeurs sont passés devant moi, aucun ne m'a demandé si j'avais besoin d'aide. 

Alors oui je ne suis jamais contente, un jour je ne veux pas trop d'attention et le surlendemain un minimum, mais vous avouerez qu'il faudrait quand même trouver un juste milieu.
Du coup môssieur m'a envoyé des MMS depuis la cabine située à l'étage inférieur, pour partager avec moi ses trouvailles. C'est tout de même bien fait la technologie ! Dommage que personne n'ai jamais pensé à inventer un truc pour se rendre d'un étage à un autre sans passer par des escaliers... Ça c'eut été révolutionnaire !

Lundi et Mardi (Je regroupe par thème et non par jour sinon on ne va pas s'en sortir) :  

Bien entendu mon fauteuil me sert aussi à aller au travail (ben oui pour pouvoir générer des anecdotes en courses faut bien gagner sa croûte ! Enfin bien... Il faut quoi !) Et qui dit travail, dit trajets ! Et ça...
J'ai la chance de devoir prendre un métro et un bus. Un régal de chaque instant !
J'aimerais que l'on me présente le concepteur de l'accessibilité des transports. Quelle est l'idée de mettre des barres en plein milieu de l'unique entrée "accessible" ? Quel est le concept de placer dans le bus l'unique place réservée aux fauteuils, (mais aussi aux poussettes, aux bagages et tout autre objet encombrant) en angle droit sans aucun moyen de braquer ou contre braquer si une seule personne entre également dans le bus avec vous ? (Bon ok j'exagère, si deux personnes entrent...)
Les gens ne sont pas les plus conciliants avec ça et ont une image faussée du fauteuil. Ils pensent sans doute que j'ai l'âme d'un pilote... Mais non ! Je ne sais pas faire de loopings avec, je ne sais pas faire de figures incroyables. Et (notes pour vous même) si vous restez collés au fauteuil pendant que je me livre à une marche arrière périlleuse pour atteindre une rampe que le chauffeur oublie une fois sur deux de me dérouler, il y a de grandes chances que vous vous retrouviez avec des pieds en bouillis. (Car mon petit bolide pèse environ 150 kilos.)
Dans la même veine (pendant qu'on y est), non vous n'arriverez pas à le déplacer en tirant dessus, et non ça ne m'aide pas.(Car mon petit bolide pèse environ 150 kilos.) Enfin, je ne fais pas partie du mobilier urbain, il est assez désagréable de sentir un inconnu s'appuyer ou se servir de mon fauteuil comme d'une barre de métro. En équivalence c'est un peu comme si je m'accrochais au bras de mon voisin inconnu sans le prévenir... 

Le bus que je prends est souvent chargé le matin. Mais ce jour là particulièrement. Pas de chance, un jeune homme et son sac se sont placés sur le seul petit espace réservé pour les fauteuils. En me voyant je pensais qu'il se décalerait.. Raté. Je le regarde, il me regarde. Rien.

J'ai donc décidé de me mettre n'importe comment espérant le faire réagir... Mais non ! Et je n'avais pas envie de quémander, il n'avait clairement pas l'intention de faire preuve de bon sens... 

Le bus se remplit petit à petit et là un autre homme vient se "faxer" (il n'y a pas d'autre terme), entre le peu d'espace laissé entre mon fauteuil et la paroi du bus... Je sens que j'étouffe un peu... Assise, toute petite au milieu de tous ces gens inconnus... Mon espace n'est plus respecté, il est grignoté encore et encore. J'adresse à ma collègue un "Je vais galérer pour sortir"... Il rétorque "Mais non, je vais vous aider !" Mais m'aider à quoi ??? C'est un fauteuil électrique, à part en me laissant un peu plus d'espace il est impossible que vous puissiez m'aider. (Car mon petit bolide pèse environ 150 kilos. Je l'ai déjà dit ou pas ?)

Bref... J'ai galéré. Surtout que le chauffeur de bus a eu la merveilleuse idée de s'arrêter pile devant une poubelle pour descendre la rampe. Ca n'a pas marché. Il a redémarré. J'ai cru qu'il m'avait oublié (oui c'est possible ils l'ont déjà fait). Je l'ai alerté. (Aussi bien qu'on puisse le faire depuis la porte centrale, assise, sans aucun moyen d'apercevoir le chauffeur) Il a grommelé. Il s'est de nouveau arrêté... J'étais libérée.
Le soir, en prenant l'ascenseur qui menait au métro une dame est entrée avec ma collègue et moi-même. Sans un bonjour elle m'a dit " Sclérose en plaques ?" 
J'ai répondu non, et je suis sortie... 
Pourquoi ? Qu'est-ce qui intéresse dans ce que je peux avoir le temps d'un trajet d'ascenseur ? On ne se reverra jamais ! Est-ce que si j'avais dit oui, tu m'aurais dit " Oh pauvre petite, la nièce de la fille de ma voisine a ça aussi ?" ... Et ?? 
Et si j'avais dit non en développant, qu'est-ce que cela aurait changé ? 

Parce que je me suis dit que je n'avais pas suffisamment vécu de trucs fous dans ma journée j'ai été en ville. J'avais oublié le manque d'accessibilité des magasins. Sur les 4, aucun vraiment accessibles. Des rayons trop étroits, des gens trop cons (Ah non ça fait pas partie des critères ça ? Tant pis...) Des caisses, des cartons qui trainent... Exemple : (oui je suis tombée là dessus à l'ouverture de l'ascenseur, j'ai donc déduit que je ne devais pas descendre à cet endroit...) 

Puis à la caisse sur ça : (Elle était accessible avant qu'on y mette un portant à lunettes, un carton et un portant à roulette, et... un poteau ???)
 
 Ca laisse rêveur n'est-ce pas ? 

Bref je suis rentrée dans mon doux chez moi et j'avais mal à la tête. Là je me suis dit que si j'étais retournée dans mon commerce de proximité je l'aurais accepté volontiers sa priorité à Madame la caissière ! (Comme quoi tout est question de timing)











Enfin pour terminer cet article déjà bien trop long, je vais vous raconter l'histoire de ma vie au travail. (Enfin pas tout parce que quand même je vous aime bien et ça ne serait pas gentil de vous imposer ça). 

Ce matin avait lieu un petit déjeuner avec notre directrice générale. (Et j'ai vécu un moment d'anthologie) Je l'ai écouté raconter ô combien l'association avait de projets intéressants. Et ô combien le petit dernier l'était d'autant plus car il favoriserait l'autonomie des personnes handicapées tout en gardant un lien avec une équipe. Et que c'était important l'équipe pour des gens handicapés. Parce que quand on est handicapé on n'a pas d'ami. (Oui elle l'a dit) Et que si on voulait se faire des amis (je dis "on" parce que je me suis sentie concernée hein), ben on allait dans des lieux de passages, avec un pack de bières, et que ça se finissait dans des squats... Voilà. Ce sont ses mots... (Je vous laisse méditer là dessus, accepter ces mots avec bienveillance, toussa toussa...)
Ensuite, pour clore ces retrouvailles, elles nous a demandé à tous si nous avions des propositions pour améliorer la vie du siège. 
Au fond de moi j'ai pensé "un ascenseur qui marche". Ah oui je ne vous ai pas dit ? Je bosse dans une association accueillant un public en situation de handicap mais dont le siège n'est pas accessible. (JE vous avais dit que j'avais un grand sens de l'humour)
 Je suis obligée de faire le tour par un extérieur complètement défoncé (il avait peut être pas d'ami lui non plus pour finir comme ça). La salle dans laquelle se déroulait le petit déjeuner se trouvait au premier étage... Je suis donc montée avec ma canne (et le peu d'espoir dans ma poche).
Finalement les autres ont proposé : mettre en place un barbecue, des cours de taï-chi, de sport... 
Et puis quelqu'un a dit : Un ascenseur ? (Non ce n'est pas moi !) 
La réponse ne s'est pas fait attendre "Oh mais arrêtez avec cet ascenseur, je dépense 5000 euros pour qu'on l'utilise quoi ? Deux fois par an ? On en n'a pas besoin..."
Ah ben oui, après tout vous n'avez pas de salarié en fauteuil n'est-ce pas ? Pas d'usagers qui souhaiteraient venir sans doute quelques fois ? Pas de difficultés majeures en somme de ne pas pouvoir accéder à tous les étages du siège et notamment la salle de repas ? 
Oh mais suis-je sotte, je ne mange pas et en plus je n'ai pas d'ami... 

Allez un pack de bière et on en parle plus... Ah non je suis handicapée; l'alcool il ne faut pas c'est bien ça ? Alors un panaché fera l'affaire ! C'est ma tournée !...Et puis ben des Curly !